Provence ! En lisant ce nom on pense surtout au
bas-pays, Aix, Arles, Avignon, assemblage coloré de villes (« avec ses
maisons fardées » disait Giono),
de plaines et de collines brûlées
par le soleil et fouettées par le vent. On pense moins à la partie
montagneuse qui couvre presque la moitié de la province et appartient
autant au monde alpin que méditerranéen. C’est elle, avec son
aristocratie plébéienne et ses montagnes bleutées, que je veux évoquer.
La Haute-Provence c’est beaucoup de cœur et
de solitude; seuls les hommes et les femmes qui avaient de l’un et
aimaient l’autre ont pu y survivre.
La vie est saine et pleine d’air
pur, mais la terre est maigre et il faut péniblement planter pour peu en
attendre : quelques céréales,
un peu de fruits (prunes, pommes)
quand le gel tardif de printemps le permet ; l’olivier y atteint
vite ses limites septentrionales,
juste avant la vigne… et les cigales.
Il n’y a dans ces montagnes que le bruit du vent, le bruit des arbres,
la vie des bêtes,
la vie du ciel et parfois le passage des hommes
silencieux. L’animal roi est le mouton mais, bien souvent, c’est la chèvre
qui est reine… avec les abeilles.
La faune sauvage, sangliers,
chevreuils et même récemment chamois s’approprient les espaces désertés
par les paysans ; dans les airs l’aigle de Bonelli
depuis toujours
et les vautours, réintroduits depuis peu, observent ces lentes évolutions.
Le « sport national » est la chasse, alternative dérisoire de
l’ennui.
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Les sommets ne sont jamais trop hauts (moins de 2000
m.) mais, avec la richesse de leur flore (saxifrage, pivoine, lys
pomponium…) et leur point de vue
sur des sites aussi grandioses que les
gorges du Verdon ou le plateau de Valensole, auprès d’eux, bien des géants
des Alpes sont petits.
Les maisons, tournant le dos au Nord, ressemblent
à des
forteresses avec leurs petites fenêtres pour se protéger de l’hiver
glacial et de l’été torride.
Les bastides sont toujours
gardées par un tilleul et un mûrier noir (l'arbre fruitier le
plus rare de France !(Le livre des arbres de Pierre Lieutaghi)):
le premier pour
son parfum apaisant, symbole de paix, le second pour le jus rouge vif de
ses fruits, délicieux et indélébile, symbole du sang et de la vie;
cette
tradition remonte à l’époque romaine dont on trouve encore d’émouvantes
traces (poteries, tégula…).
Un
mas en haute Provence
Sans mûrier noir et sans tilleuls
Ressemble un peu à une enfance
Que n'éclaire pas les aïeuls
En été, dans certains lieux, un court instant, on
peut croire que la Provence de carte postale avec sa foule bruyante est
montée jusqu’ici : il n’en est rien...
à peu de distance
nous retrouvons le calme et le naturel, la grandeur et l’éternité. De
plus en plus, de nouveaux conquérants essaient de domestiquer ces
hautes
terres; malgré les améliorations matérielles une véritable
communion avec les éléments est nécessaire pour accepter l’âpreté
de ce pays.
Il a une véritable noblesse, presque hautaine, que
l’on découvre avec son cœur… et ses pieds, seule approche subtile et
amicale.
Loin des clichés et du folklore artificiel la Haute-Provence ne
vous attend pas ! Mais si vous acceptez de sortir de votre sacrée
voiture et
préférez aux plaisirs faciles les sentiers que l’on découvre
et qui se referment après vous, lancez-vous ! Que risquez-vous? Au
mieux de vous perdre !
mas
du haut-pays -
tilleul et mûrier noir
encore et toujours
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