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       En suivant les chemins de St jacques on est surpris de voir que la représentation la plus fréquente (surtout en Espagne) n'est ni le Christ, ni St Jacques mais la Vierge. Peut-on être touché et même ému par cette icône sans être catholique et (ou) croyant? Probablement puisqu'il m'arrive de l'être ! Ce sentiment, difficilement explicable, peut trouver sa source dans notre culture, des souvenirs d'enfance, des références à la mère, une idéalisation de la femme (Sigmund à l'aide!) et surtout l'image de la pureté parfaite, merveilleuse; le culte de Vénus (Ève) existait bien avant la sanctification de Marie, en revanche, le dogme chrétien de la virginité n'a rien simplifié! D'autres religions ont refusé l'image ou  la représentation du féminin maternel pour se mettre à l'abri de l'adoration de la Mère. Un fait significatif, presque toutes les poésies mariales (même contemporaines) sont écrites par des hommes. Bref, on n'est pas là pour faire une analyse (la poésie, comme tous les arts est essentiellement mystère) mais pour partager une émotion poétique pure,... primitive. André Cayrel

 Un petit texte de F. Mauriac en réflexion:
" Nous sommes les héritiers de cette civilisation courtoise qui situait la femme à mi-chemin de l'ange et de l'homme. Nous appartenons aussi à une certaine tradition chrétienne qui tendait à ravaler la femme un peu au-dessous de l'homme mais au-dessus de la femelle et qui ne lui accordait pas une âme sans débats. Ces deux courants contradictoires se rejoignent en nous pour y créer cette illusion d'une créature différente et singulière."

Ô mère, par qui fut bercée
Mon enfance (le temps moqueur,
En passant, l’a vite froissée),
Mère adorable de mon cœur!

...Reine de grâce, et Reine de Bonté,
Aide et soutiens notre fragilité.

Théodore de BANVILLE
 

Louange à cette petite fille de la campagne
Qui a mérité d’être la mère de Dieu !
Il me semble qu’elle était née en Bretagne
Et qu’elle a vécu là sous mes yeux.


Max JACOB

 

Par la mère apprenant que son fils est guéri,

Par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid,

Par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée,

Par le baiser perdu, par l'amour redonné, 

Et par le mendiant retrouvant sa monnaie: 

Je vous salue Marie.

 

Francis Jammes

 

Je veux le voir et n’être point vue ;
C’est déjà trop pour lui d’une croix !
Dans cette foule, comme perdue,
Si je défaille, ah ! soutenez-moi !

Rien qu’une femme parmi les femmes...

Henri Ghéon

Une femme est l’amour, la gloire et l’espérance ;
Aux enfants qu’elle guide, à l’homme consolé,
Elle élève le cœur et calme la souffrance,
Comme un esprit des cieux sur la terre exilée.


Gérard de NERVAL

 

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Aragon

 


Vierge en crinoline,
Vierge de la Soledad,
épanouie comme une immense tulipe.
Dans ta barque de lumières
tu vas
sur la marée haute
de la ville,
parmi les saetas troubles
et des étoiles de cristal.
Vierge en crinoline,
tu vas
sur le fleuve de la rue
jusqu'à la mer!

Frederico Garcia Lorca
VIRGEN con miriñaque
virgen de la soledad,
abierta como un inmenso Tulipán.
En tu barco de luces
vas
por la alta marea
de la ciudad
entre saetas turbias
y estrellas de cristal.
Virgen con miriñaque
tú vas
por el río de la calle,
¡hasta el mar!

 

Quand j'étais un petit enfant

Ma mère ne m'habillait que de bleu et de blanc

O Sainte Vierge

M'aimez-vous encore

Moi je sais bien que je vous aimerai

Jusqu'à ma mort

Et cependant c'est bien fini

Je ne crois plus au ciel ni à l'enfer

Je ne crois plus je ne crois plus

Le matelot qui fut sauvé

Pour n'avoir jamais oublié

De dire chaque jour un Ave

Me ressemblait me ressemblait

Apollinaire

 

Maria
Mademoiselle Marie
Vous êtes grosse, dit l’ange,
Vous aurez un fils sans mari
Pardonnez si je vous dérange.

Cette façon d’annoncer
Les choses par la fenêtre
Étonne un peu la fiancée
Qui son amour voudrait connaître.

L’ange s’en va, comme fonte
Des neiges, vers l’inhumain.
La petite a un peu honte
Et se cache dans ses mains.

Jean Cocteau.

La petite Vierge Marie
Passe les soirs de mai par la prairie,
Ses pieds légers frôlant les brumes,
Ses deux pieds blancs, comme deux plumes.

S’en va comme une infante,
Corsage droit, jupes bouffantes,
Avec, à sa ceinture, un bruit bougeant
Et clair, de chapelet d’argent...

Émile Verhaeren

 

Pastorale provençale

Ah! c'est triste le sort d'une Mère

Qu'on le mette où l'on voudra

Tout en haut de cette Croix,

Tout en haut du grand ciel même.

je le verrai toujours petit quand je le tenais dans mes bras

Et qu'il avait plus grand désir

Du tout simple lait de mon sein,

Que du sauvetage du monde!

 

Ma Maman, ah! même ça c'est défendu!

Je vois à peine ses cheveux,

Je me souviens du bon laitage,

Tu m'écoutes? Je me souviens.

Saintes Femmes qui êtes là

Menez-là vite dans la Ville

Faites-lui boire du vin chaud,

Et bassinez-lui bien le lit,

Et veillez-là toute la nuit

Comme on veillerait une morte.

Si j'avais su...

 

Eve et Marie

Homme, qui que tu sois, regarde Eve et Marie,
Et comparant ta mère à celle du Sauveur,
Vois laquelle des deux en est le plus chérie,
Et du Père Eternel gagne mieux la faveur.

L'une a toute sa race au démon asservie,
L'autre rompt l'esclavage où furent ses aïeux
Par l'une vient la mort et par l'autre la vie,
L'une ouvre les enfers et l'autre ouvre les cieux.

Cette Ève cependant qui nous engage aux flammes
Au point qu'elle est bornée est sans corruption
Et la Vierge " bénie entre toutes les femmes "
Serait-elle moins pure en sa conception ?

Non, non, n'en croyez rien, et tous tant que nous sommes
Publions le contraire à toute heure, en tout lieu :
Ce que Dieu donne bien à la mère des hommes,
Ne le refusons pas à la Mère de Dieu.

Corneille

 

 

...À celle qui intercède.
La seule qui puisse parler de l'autorité d'une mère.
S'adresser hardiment à celle qui est infiniment pure.
Parce qu'aussi elle est infiniment douce...
À celle qui est infiniment riche.
Parce qu'aussi elle est infiniment pauvre.
À celle qui est infiniment haute.
Parce qu'aussi elle est infiniment descendante.
À celle qui est infiniment grande.
Parce qu'aussi elle est infiniment petite.
Infiniment humble.
Une jeune mère.
À celle qui est infiniment jeune.
Parce qu'aussi elle est infiniment mère...
À celle qui est infiniment joyeuse.
Parce qu'aussi elle est infiniment douloureuse...
À celle qui est infiniment touchante.
Parce qu'aussi elle est infiniment touchée.
À celle qui est toute Grandeur et toute Foi.
Parce qu'aussi elle est toute Charité...
À celle qui est Marie.
Parce qu'elle est pleine de grâce.
À celle qui est pleine de grâce.
Parce qu'elle est avec nous.
À celle qui est avec nous.
Parce que le Seigneur est avec elle.

Charles Péguy

Mère de Dieu, divine ménagère
Qui besognez aux célestes parvis,
Reine angélique, et pauvre sur la terre,
Tout occupée à frotter le logis,
À cuisiner, à tirer l’eau du puits,
Apprenez-nous cet art du sacrifice
Car nous serions disposés au dépit
S’il nous fallait n’attendre que justice !

Lasse ce soir de besognes vulgaires,
Le cœur serré d’absurdes chamaillis,
Je viens à vous pour vous dire ; ô ma Mère,
Donnez courage aux femmes d’aujourd’hui !
Vous qui, trente ans, travaillâtes sans bruit
En attendant de vider le calice,
Épargnez-nous d’être âprement surpris
S’il nous fallait n’attendre que justice...

Henriette CHARASSON 

 

 

 

 

J'suis là, saint'Vierge, à mon coin d'rue

où d'pis l'apéro, j'bats la semelle;

j'suis qu'eune ordur, qu'eun'fill' perdue,

c'est la Charlotte qu'on m'appelle.

 

Vierge Marie... pleine de grâce...

j'suis fauchée à mort, vous savez;

mes pognets, c'est pus qu'eun'crevasse

et me v'là ce soir su'l pavé.

 

Si j'entrais m'chauffer à l'église,

on m'foutrait dehors, c'est couru;

ça s'voit trop que j'suis fill'soumise...

(oh! mand'pardon, j'viens d'dire "foutu").

 

su'la paill' de vot' écurie

v's'z'avez rien dû avoir frio,

Jésus et vous, Vierge Marie...

 

C'est vrai que j'ai plaqué l'turbin.

Mais l'ouvrièr' gagn' pas son pain;

quoi qu'a fasse, alle est mal payée,

a n'fait mêm' pas pour son loyer;...

 

Bref, je suis pus qu'eun salop'rie,

un vrai fumier, Vierge Marie!

Malgré comm' ça qu'j'aye fait la vie,

j'ai pensé à vous bien souvent...

 

Et ce soir encor ça m'rappelle

un temps, qui jamais n'arr'viendra,

ousque j'allais à vot chapelle

les mois que c'était votre fête.

 

Jarr'vois vot bell' rob' bleue, vot'voile,

(mêm' qu'il était piqué d'étoiles),

vot' bell' couronn'd'or su' la tête

et votre trésor su' les bras...

 

Jehan Rictus

 

 

 

  Dans mon rêve de toi il n'existe, sous-jacente, aucune fascination du sexe, sous ta large tunique de madone des silences intérieurs. Tes seins ne sont pas de ceux que l'on peut penser à baiser... (Tu es la femme antérieure à la chute.)... Les femmes de la terre, qui doivent supporter le poids remuant d'un homme - comment peut-on les aimer sans que l'amour se flétrisse aussitôt, avec la vision anticipée du plaisir au service du sexe? Comment respecter l'Épouse sans être obliger de la voir comme une femme dans une autre position de coït? De quel dégoût ne sommes-nous pas pris à l'idée de l'origine charnelle de notre âme... Toi seule est pure, Dame des Rêves, que je puis concevoir comme amante sans concevoir de tache, parce que tu es irréelle...

Pessoa

 

Nous venons vous prier pour ce pauvre garçon  

Qui mourut comme un sot au cours de cette année,  

Presque dans la semaine et devers la journée 

 Où votre fils naquit dans la paille et le son. 

 

O Vierge il n'était pas le pire du troupeau.  

Il n'avait qu'un défaut dans sa jeune cuirasse.  

Mais la mort qui nous piste et nous suit à la trace 

 A passé par le trou qu'il s'est fait dans la peau. 

 

Il était né vers nous dans notre Gâtinais.  

Il commençait la route où nous redescendons.  

Il gagnait tous les jours tout ce que nous perdons. 

 Et pourtant c'était lui que tu te destinais, 

 

O mort qui fus vaincue en un premier caveau.  

Il avait mis ses pas dans nos mêmes empreintes. 

 Mais le seul manquement d'une seule des craintes 

 Laissa passer la mort par un chemin nouveau.  

Le voici maintenant dedans votre régence.  

Vous êtes reine et mère et saurez le montrer. 

 C'était un être pur. Vous le ferez rentrer  

Dans votre patronage et dans votre indulgence...  

 

 Péguy

 

La douleur chrétienne est immense

Elle, comme le coeur humain

Elle souffre, puis elle pense

Et calme poursuit son chemin.

Elle est debout sur le Calvaire

Pleine de larmes et sans cris,

C'est également une mère

Mais quelle mère, de quel fils?

 

Verlaine

 

 
 

Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre

F.Villon

 

Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,

Que diras-tu mon coeur, autre fois flétri,

A la très-belle, à la très-bonne, à la très-chère,

Dont le regard divin t'a soudain refleuri?

Baudelaire

 

 

Anges, Trônes et Dominations,
Principautés, Archanges, Chérubins,
Inclinez-vous aux basses régions
Avec Vertus, Potestats, Séraphins,
Transvolitez des hauts cieux cristallins
Pour décorer la triomphante entrée
Et la très digne naissance adorée,
Le saint concept par mystères très hauts
De cette Vierge où toute grâce abonde,
Décrétée par dits impériaux
La plus belle qui jamais fût au monde.

Car, pour nourrir Jésus de ses doux seins,
Dieu l’a toujours sans souillure montrée,
La déclarant par droit et loi outrée,
Toute belle pour le tout beau des beaux,
Toute claire, nette, pudique et monde
Toute pure par dessus tous vaisseaux
La plus belle qui jamais fût au monde

Catherine D'Amboise

 

Ô Mère pure, ô Vierge maternelle,
Vase de nard qui déborde et ruisselle,
Inonde-moi des flots de ton amour !...

Ô tendres pleurs, délicieuses larmes,
Est-il quelqu’un qui résiste à vos charmes ?
Femme, tes pleurs font pleurer tous les yeux !

Charles-
Nérée Beauchemin

 

 

 

 

   

 

Je suis debout, les dents serrées,
D’âpre douleur Mère égarée,
Pilier de mon Fils qui pend...

Par qui ma chair est labourée ?
Je pousse un cri, Mère éventrée
De toi j’accouche à nouveau,...

Enfant chéri qu’en croix j’élève.
J’ai dans le coeur un vaste glaive,
Un étau sur le cerveau...

Ô Femmes, que je vous envie
De mettre au lit, pour l’agonie,
Vos fils. Le mien meurt droit,


Je suis la douloureuse Mère,
Fontaine droite, source amère
À l’intarissable pleur,...

La Victime sacrifiée,
Car c’est ma chair crucifiée
Qui saigne sur cette croix...

Reçois, pendu sur cette planche,
Père, ce corps dont le front penche,
Le bras tirant sur les clous ;...

Serge BARRAULT.

 

Ô Vierge pure, incomparable,
Pleine de grâce inestimable,
De Dieu mère très glorieuse,
À qui te requiert secourable,
Ma prière soit acceptable
Devant toi, Vierge précieuse !
Douce dame, si te requiers
Que m’octroies ce que je quiers :
C’est pour toute-chrétienté
À qui paix et grand’joie acquier
Devant ton fils, et tant enquier
Que tout bien soit en nous enté.

Ave Maria

...Ô toi, Vierge prédestinée
Très avant que tu fusses née,
Ainsi le dit saint Augustin,
De la Trinité ordonnée,
Pour notre sauvement donnée,
Pure et parfaite par destin,...

Christine de PISAN

 

 

 

À la Mère je fais ma génuflexion ;
Elle est Médiatrice. Incliné, je bégaie :
« Ô Vierge, ton amour, et sa contrition »
Montrant la Madeleine écroulée. Âpre haie

Séparant terre et cieux, l’épine, au vaste front,
Saigne. En trois pas je crois faire une longue marche.
Oui, c’est un grand voyage, un repentir profond.
L’aisselle de mon Dieu m’abrita sous son arche,
Tel que le mendiant arrivé sous un pont.

Serge BARRAULT.

 

 

 

Et Marie alors, le regard voilé,
Pencha sur son fils un front désolé,
« Vous ne dormez pas, votre mère pleure,
« Votre mère pleure, ô mon bel ami... »
Des larmes coulaient de ses yeux ; sur l’heure,
Le petit Jésus s’était endormi.

Alphonse DAUDET

 

Fleur du paradis, sainte Notre-Dame,
Si bonne aux marins en péril de mort,
Apaise le vent, fais taire la lame,
Et pousse du doigt notre esquif au port.

Théophile GAUTIER.

Des croix profondes sont tes rides,
Tes cheveux sont blancs comme fils...
– Préserve des regards arides
Le berceau de nos petits-fils !

Fais venir et conserve en joie
Ceux à naître et ceux qui sont nés.
Et verse, sans que Dieu te voie,
L’eau de tes yeux sur les damnés !...

Reprends dans leur chemise blanche
Les petits qui sont en langueur...
Rappelle à l’éternel Dimanche
Les vieux qui traînent en longueur....

Prends pitié de la fille-mère,
Du petit au bord du chemin...
Si quelqu’un leur jette la pierre,
Que la pierre se change en pain !...

 Dame bonne en mer et sur terre,
Montre-nous le ciel et le port,
Dans la tempête ou dans la guerre...
Ô Fanal de la bonne mort !

– Aux perdus dont la vue est grise,
(– Sauf respect – perdus de boisson)
Montre le clocher de l’église
Et le chemin de la maison.

Si nos corps sont puants sur terre,
Ta grâce est un bain de santé ;
Répands sur nous, au cimetière,
Ta bonne odeur-de-sainteté.


Tristan Corbière

Notre-Dame de Chartres

Je suis noire, mais je suis belle,
Couleur des immenses labours
Dont la Providence éternelle
Nourrit le blé, couleur de jour,

Et, comme la glèbe, je porte,
À l’insu de mes laboureurs,
Le pain secret qui réconforte
Aussi bien que les corps, les cœurs.

Ce bon peuple m’a devinée,
Avant la naissance de Dieu,
Comme divine et désignée
Pour alléger le poids des cieux.

Parmi les divinités sombres
Qui régnaient sur le vieux pays,
Filles de la peur et de l’ombre,
Je fus la seule qui sourît...

Et nul ne se doutait encore,
En ce sourcilleux Occident,
Que je portais en moi l’aurore
En train de poindre à l’Orient.

Je suis noire, mais je suis belle.
Mon peuple a compris ma beauté.
Il fut, avant la foi, fidèle
Et je lui dois fidélité.

Sur la plaine qu’il a fouie,
Je pousserai deux hautes tours,
Pour que ses moissons soient bénies
De leur grande ombre, chaque jour...

Henri GHÉON

 

Ave Maria ! c’est l’heure de la prière suppliante,
Ave Maria ! c’est l’heure de l’amour tout immatériel,
Ave Maria ! que notre âme reconnaissante et ardente
Ose adorer ton âme et celle de Ton Fils spirituel,
Ave Maria ! oh ! cette face si belle et émouvante !
Toi qui remplis le pèlerin en voyage d’un tendre amour,
Pendant que la cloche des vêpres le fait trembler de ferveur,
Paraissant pleurer sur le jour mourant s’envolant sans retour.
Est-ce donc une imagination que notre raison méprise ?
Ah ! rien ne meurt sans que quelque chose de douleur ne se brise !

Lord BYRON.

 
 

VIERGE sur nos cités, Vierge, sur nos hameaux,
Élevée au-dessus du doute et du blasphème,
Au-dessus de nos cris, de nos deuils, de nos maux,

Rose mystique, fleur qui dépassez le mur,
Reine qui pouvez plus que notre reine Jeanne,
Azur plus azuré que le plus bel azur.

Votre nom, votre éclat, votre prestige plane
Sur les murailles d’Aix et le pont d’Avignon,
Sur les jardins ayant dans leur coeur un platane,

Sur les filles ayant des rubans au chignon,
Sur Arles, où les tombeaux dorment dans la clémence
Du soleil qui départ à chacun son rayon,

Sur Apt qui pour Sainte Anne a fait une romance,
Et sur Marseille enfin, qui, plus pieusement,
Vous posa sur son front, devant la mer immense

Émile RIPERT

...La Vierge rend à la Divinité
Son sainct dépost, dont le Monde est l’ouvrage,
Mais aujourdhuy il a fait d’avantage,
S’estant vestu de nostre humanité !


Joachim du BELLAY.

 

...Vous portastes, digne Vierge, princesse,
Iesus regnant, qui n’a ne fin ne cesse.
Le Tout-Puissant, prenant nostre foiblesse,
Laissa les cieulx et nous vint secourir,
Offrir a mort sa tres chiere jeunesse.
Nostre Seigneur tel est, tel le confesse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

François VILLON

 

 

...Notre- Dame: Mourez comme les barons!

Jésus: Je mourrai entre deux larrons.

ND: Que ce soit sous terre et sans voix!

J: Ce sera haut pendu en croix.

ND: Vous serez au moins revêtu?

J: Je serai attaché tout nu.

ND: Attendez l'âge de vieillesse!

J: En la force de la jeunesse.

ND: Ne soit votre sang répandu!

J: Je serai tiré et tendu.

ND: A mes maternelles demandes 

Ne donnez que réponse dures!

J: Accomplir faut les écritures.

 

Jean Michel (1486)

 

 

Priez pour paix, doulce Vierge Marie,
Royne des cieulx, et du monde maistresse
Faites prier, par vostre courtoisie,
Saincts et sainctes, et prenez vostre adresse
Vers vostre filz, requerrant sa haultesse
Qu’il lui plaise son peuple regarder
Que de son sang a voulu racheter,
En déboutant guerre qui tout desvoye ;
De priéres ne vous vueilliez lasser,
Priez pour paix, le vray trésor de joye.

Charles D'ORLÉANS

 

 

 

 

C’est l’astre lumineux qui jamais ne s’éteint,
Où comme en un miroir tout le ciel se contemple ;
Le luisant tabernacle et le lieu pur et sainct
Où Dieu mesme a voulu se consacrer un temple.
C’est le rameau qui garde en tout temps sa couleur,
La branche de Jessé, la tige pure et saincte,
Qui rapporte son fruict et ne perd point sa fleur,
Qui demeure pucelle et qui se void enceinte
Estoille de la mer, nostre seul reconfort,
Sauve-nous des rochers, du vent et du naufrage.
Ayde-nous de tes vœux pour nous conduire au port,
Et nous monstre ton Fils sur le bord du rivage.

Jean BERTAUT.

 

 

Or sa mère, entendant grincer la lame de la scie, avait quitté son lit et, entrant doucement, en silence, elle aperçoit, inquiète, l’enfant peinant dur et manœuvrant de grandes planches... Les lèvres serrées, elle regardait; et, tandis qu’elle l’embrasse d’un regard tranquille, des paroles inarticulées tremblaient sur ses lèvres.

Le rire brillait dans ses larmes... Mais tout à coup la scie se brise et blesse les doigts de l’enfant qui ne s’y attendait pas.

Sa robe blanche est tachée d’un sang pourpre, un léger cri sort de sa bouche...

Apercevant sa mère, il cache ses doigts rougis sous son vêtement; et, faisant semblant de sourire, il lui dit: "Bonjour, mère!"

Mais celle-ci, se jetant aux genoux de son fils, caressait, hélas! de ses doigts, les doigts de l’enfant et baisait ses tendres mains en gémissant fort et baignant son visage de grosses larmes.

Mais l’enfant, sans s’émouvoir: "Pourquoi pleures-tu, mère qui ne sais pas?... Parce que le bout de la scie tranchante a effleuré mon doigt! Le temps n’est pas encore venu où il convienne que tu pleures."

Il reprit alors son ouvrage commencé; et sa mère en silence et toute pâle, tourne son blanc visage à terre, réfléchissant beaucoup et, de nouveau, portant sur son fils ses yeux tristes: "Grand Dieu, que ta sainte volonté soit faite!"

 (Traduction d’un poème en vers latins)
composé par Rimbaud en 1870.

 

 

Étoile du matin, inaccessible reine,
Voici que nous marchons vers votre illustre cour,
Et voici le plateau de notre pauvre amour,
Et voici l’océan de notre immense peine.

Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale.
De loin en loin surnage un chapelet de meules
Rondes comme des tours, opulentes et seules
Comme un rang de châteaux sur la barque amirale.

Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre
Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.
Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux
Un reposoir sans fin pour l’âme solitaire.

Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.

Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D’un pas toujours égal, sans hâte ni recours.
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches...

Nous sommes nés pour vous au bord de ce plateau,
Dans le recourbement de notre blonde Loire,
Et ce fleuve de sable et ce fleuve de gloire
N’est là que pour baiser votre auguste manteau.

Un homme de chez nous, de la glèbe féconde
A fait jaillir ici d’un seul enlèvement,
Et d’une seule source et d’un seul portement,
Vers votre assomption la flèche unique au monde.

Tour de David, voici votre tour beauceronne.
C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.

Un homme de chez nous a fait ici jaillir,
Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix,
Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois,
La flèche irréprochable et qui ne peut faillir.

C’est la pierre sans tache et la pierre sans faute,
La plus haute oraison qu’on ait jamais portée,
La plus droite raison qu’on ait jamais jetée,
Et vers un ciel sans bord la ligne la plus haute.

Charles PÉGUY

 

J’aime la majesté des vieilles cathédrales :
Les chants religieux y planent largement ;
Et sur les hauts piliers contournés en spirales,
On fixe les draps noirs, aux jours d’enterrement.

C’est là que tout enfant me conduisait ma mère,
Joignant avec candeur mes deux petites mains,
Je priais avec foi, car aucune chimère
Ne m’attirait alors vers les rêves humains.

Aujourd’hui, je connais l’orgueil de ne pas croire
Aussi naïvement. – Je ne joins plus les doigts
Pour prier le Seigneur et célébrer sa gloire ;

Pourtant, de ses bienfaits, j’ai gardé la mémoire,
Et mes quelques vertus, – apanage illusoire, –
C’est, – soit dit entre nous, – à Dieu que je les dois.

Émile BOISSIER.

ange rieur de Chartres