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Chemins
d'eau Chemin de croix |
La recherche du bonheur parfait...
Le bonheur fou!
Certes, le
bonheur ne se trouve pas au détour du
chemin! (c'est dans la vérité et non dans l'illusion que devrait se
poursuivre indéfiniment
la quête du bonheur) ; cependant, les départs et les évasions que
permet le chemin, selon nos envies
et nos états d'âme, nous aident dans notre approche du bonheur même si (La
chasse au bonheur n'est pas la chasse au plaisir) |
"...J'entendis tout à coup sonner en grande volée la cloche majestueuse
d'une église située
dans la colline à un quart de lieue au-dessus de Rolle. j'y montai. Je
voyais ce beau lac s'étendre
sous mes yeux, le son de la cloche était une ravissante musique qui
accompagnait mes idées et leur
donnait une physionomie sublime.
Là ce me semble, a
été mon approche la plus voisine du bonheur parfait.
Pour un tel moment
il vaut la peine d'avoir vécu.
Dans la suite je
parlerais de moments semblables, où le fond pour le bonheur était peut être
plus réel, mais la sensation était elle aussi vive? le transport du
bonheur aussi parfait?
(...) Le cœur me bat encore en
écrivant ceci trente-six ans après."
Stendhal (vie de Henry Brulard)
Au
dessus de Rolle
Mon Dieu que c'est beau! A chaque détail qu'on aperçoit, l'âme se sent ravir de plus en plus.
On est sur le chemin des larmes. Stendhal (Journal)
"La beauté est une promesse de bonheur."
Vision
de la beauté que dut avoir Stendhal :
lac de Côme
vue de la villa Carlotta (à gauche)
C'était
son lac préféré:
"Pour
bien apprécier la beauté de ce lac, il faut aimer et être malheureux"
(Cela
marche aussi avec ou!)
A pied et le cœur léger, je pars sur la route ouverte,
Bien portant, libre, le monde devant moi,
La longue piste devant moi menant là où je désire.
Désormais je ne fais plus appel à la chance,
Je suis ma propre chance,
Désormais je ne pleurniche plus, je ne diffère plus,
Je n’ai besoin de rien,
J’en ai fini avec l’enfermement maladif, les critiques,
Vigoureux et content, je marche sur la route ouverte.
La terre, cela me suffit,
Je ne demande pas que les constellations soient plus proches
Je sais quelles sont très bien là où elles sont,
Je sais qu’elles suffisent à ceux qui les habitent...
...Allons! voyageur inconnu viens avec moi!
Plus jamais tu ne te lasseras de ton voyage.
croquis de Bruno Molliere randocroquis.com
(avec son aimable autorisation)
Thoreau
(Traduit par Kenneth White)
J’ai la nostalgie d’une de ces vieilles
routes sinueuses et inhabitées qui mènent hors des villes...
une route qui conduise aux confins de la terre...
où l’on puisse oublier dans quel pays on voyage...
sur laquelle on chemine comme un pèlerin n’allant nulle part...
où l’on ne rencontre que de rares voyageurs...
où l’esprit est libre...
qui vous conduise jusqu’aux régions les plus éloignées de la terre...
elle est assez large...
aussi large que les pensées qu’elle vous inspire...
Giono
Le bonheur ne dépend pas du social, mais purement et simplement de l’âme...
La solitude est un bonheur, la compagnie en est un autre. A mesure que
l’habitude du bonheur s’installe,
un monde nouveau s’offre à la découverte, qui jamais ne déçoit,
qui jamais ne repousse, dans lequel il suffit parfois
d’un milligramme pour
que la joie éclate...
Il ne s’agit plus de combattre, il s’agit d’aller
à la découverte. L’aventure est alors ouverte de toute part.
On n’attend
plus rien puisqu’on va au-devant de tout, et on y va volontiers, puisque
chaque pas, chaque regard, chaque attention
est immédiatement payée d’un
or qui ne s’avilit jamais, ne se dépense pas, mais se consume sur place au
fur et à mesure, enrichissant le cœur
et le flux du sang si bien que, plus
la vie s’avance, plus on est doré et habillé, et plus tout ce qu’on touche se change en or...
S’il faut en tout de la mesure, c’est là qu’il la
faut surtout : et ne pas croire qu’il soit question de quantités, qu’il
soit nécessaire de courir
aux confins du monde, ou même de changer de
place, que rien ne puisse se faire sans situation, que le bonheur soit l’apanage
des premiers numéros.
Non : la matière du monde est partout pareille, et c’est d’elle que tout
vient...
Les éléments du bonheur sont simples,
et ils sont gratuits, pour l’essentiel. (La chasse au
bonheur)
Ce sont les sens qui
rendent heureux, et non l’esprit spéculatif...
Moi c’est peut être une
ombre, un feuillage, le silence, la solitude qui me rendront heureux...
Nous
ne savons généralement pas jouir de ce qui est et nous suspendons toujours notre bonheur à l’espérance du
futur...
Je ne vais pas au dépassement de moi-même, je vais au bonheur ; c’est
souvent la meilleure façon de se dépasser. (Les
terrasses de l’île d’Elbe)
Pour moi tout consiste à faire la chasse au bonheur. Ce serait affreux de
mourir avant d'être mort.
Ryokan
Les montagnes et les rivières sont mes voisins
Les nuages voilent mon ombre sur le chemin
Un oiseau me frôle sur le rocher
Je traverse le village perdu dans la neige avec mes sandales de paille
Au printemps je chemine avec ma canne dans un champ plein de soleil
Limpide. Si on saisit sa véritable nature
Les fleurs sont des poussières du monde.
Souvent je monte au temple de la grande compassion
Contempler les nuages et les brumes
Les pins et les cyprès sont vieux de mille ans
Un vent souffle depuis des milliers de générations.
*
J'habite une forêt profonde
Les glycines poussent chaque année un peu plus
Nulle préoccupation mondaine ne m'atteint
Parfois un bûcheron chante
Je recouds ma robe de moine au soleil
Je lis des poèmes à la lumière de la lune
Je voudrais dire aux hommes
Que pour être heureux peu de choses sont nécessaires.
Byron
Sur la route d'Imola à Bologne, Byron
rencontre lord Clare dont il avait été amoureux fou
à l'école et qu'il n'avait pas revu depuis huit ans...
"Cette rencontre abolit pour un moment toutes les années écoulées entre
l'instant présent
et les jours de Harrow. C'était une sensation neuve, inexplicable, comme si je
sortais du tombeau.
Clare était lui aussi vivement ému, plus que je ne le paraissais moi-même;
car je sentis
les battements de son coeur à travers l'extrémité de ses doigts, à moins que
ce ne fussent
les pulsations de mon propre coeur que je sentais... Nous ne passâmes ensemble
que cinq minutes,
et sur la grand route encore; mais j'ai de la peine à me souvenir, dans toutes
mon existence,
d'une heure qui puisse être comparée à ces cinq minutes."
Je suis de la race des Celtes et des tortues, race pédestre; non du sang des
Tartares et des oiseaux, races pourvues de chevaux et d'ailes.
La Religion, il
est vrai, me ravit quelquefois dans ses bras; mais quand elle me remet à terre,
je chemine, appuyé sur mon bâton, me reposant
aux bornes pour déjeuner de mon
olive et de mon pain bis. " Si je suis moult allé en bois, comme font
volontiers François ", je n'ai, cependant,
jamais aimé le changement pour
le changement; la route m'ennuie : j'aime seulement le voyage à cause de
l'indépendance qu'il me donne,
comme j'incline vers la campagne, non pour la
campagne, mais pour la solitude. "Tout ciel m'est un", dit
Montaigne," vivons entre les nôtres,
allons mourir et rechigner entre les
inconnus."
Pierre
Sansot
Je ne sais
pas nécessairement où un chemin me mènera et si mes forces me porteront
jusqu'au terme.
En revanche, je suis assuré de ce à quoi il me soustraira :
un assoupissement qui n'est pas une forme d'équilibre, un repli sur soi.
La
solitude qui parfois l'accompagne n'a rien d'amer. Elle me restitue à ce
qu'il y a de plus grave et doux en moi et demeure mon compagnon : le chemin.
Tandis que je marche, j'ai le sentiment d'être l'auteur de mes pas. La joie
est alors au rendez-vous quelle que soit ma fatigue,
puisqu'elle s'accompagne
du sentiment de créer... (GEO n° 284)
Jacques Lacarriére
" Rien ne me
paraît plus nécessaire aujourd'hui que de découvrir ou redécouvrir nos
paysages
et nos villages, en prenant le temps de le faire. Savoir retrouver les saisons, les
aubes et les
crépuscules, l'amitié des animaux et même des insectes, le regard d'un
inconnu qui vous reconnaît
sur le seuil de son rêve. La marche seule permet cela. Cheminer,
musarder, s'arrêter où l'on veut,
écouter, attendre; observer. Alors chaque
jour est différent du précédent comme l'est chaque visage,
chaque chemin."
"Chemin faisant" Fayard
René Char
"Pourquoi
ce chemin plutôt que cet autre? Où mène-t-il pour nous solliciter si fort?
Quels arbres
et quels amis sont vivants derrière l'horizon de ses pierres, dans le
lointain miracle de la chaleur?
Nous sommes venus jusqu'ici car là où nous étions ce n'était plus
possible. On nous tourmentait et
on allait nous asservir. Le monde de nos jours est hostile aux
transparents. Une fois de plus il a
fallut partir... Et ce chemin qui ressemblait à un long squelette, nous a
conduit à un pays qui n'avait
que son souffle pour escalader l'avenir. Comment montrer, sans les
trahir, les choses simples
dessinées entre le crépuscule et le ciel. Par la vertu de la vie obstinée,
dans la boucle du Temps artiste,
entre la mort et la beauté."
La postérité du soleil
Tu as bien fait de
partir Arthur Rimbaud. Nous sommes quelques uns à penser, sans preuves,
le bonheur possible, avec toi.
Autres poèmes
de Char
Nicolas Bouvier
"Un
voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui
même.
On croit qu'on va faire un
voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait...
Finalement, ce qui constitue
l'ossature de l'existence, ce n'est ni la famille, ni la carrière, ni
ce que d'autres penseront ou diront de vous, mais quelques instants de cette
nature, soulevés
par une lévitation plus sereine encore que celle de l'amour, et que la vie vous
distribue avec une
parcimonie à la mesure de notre faible cœur."
"L'usage du monde" Payot
Sagan
Je savais que ce peuplier durerait plus que moi,
que ce foin, en revanche, serait fané avant moi;
je savais que l'on m'attendait à la maison et aussi que j'aurais pu rester
facilement une heure
sous cet arbre. Je savais que toute hâte de ma part serait aussi imbécile que
tout lenteur...
Mais ces moments de bonheur, d'adhésion à la vie, si on se les rappelle bien,
finissent par faire
une sorte de couverture, de patchwork réconfortant qu'on pose sur le corps nu,
efflanqué,
tremblant se notre
solitude...
(Des bleus à l'âme)
Ella Maillard
Devant
notre tente, plantée au bord d'un ruisseau limpide, des femmes, vêtues de
longues et droites robes de lin,
viennent nous offrir des plats de bois pleins
de lait caillé, et, dans une nappe, de jaunes galettes de maïs tout
imprégnés
encore de la chaleur du four. Si jamais j'ai vécu un instant de
bonheur sans mélange, c'est là, devant ces dons parfumés
et savoureux de la
nature, entourée de visages bienveillants.
... Le bonheur le voila : cette ivresse que crée un instant d'équilibre entre un passé qui nous satisfait et un avenir immédiat riche de promesses... "Oasis interdites" P. B. Payot
Photo E. Maillard
Edward Abbey
Extrait
d'un récit "d'amour et de colère" sur le désert américain
(Moab Utah).
" C'est le plus bel endroit sur
terre.
Beaucoup d'endroits sont les
plus beaux sur terre. Chaque homme, chaque femme, porte
dans son cœur et dans son esprit l'image de l'endroit idéal, de l'endroit qui
lui convient exactement,
le seul, le vrai chez soi, connu ou inconnu, réel ou chimérique.
... Ne sautez pas dans votre
voiture en juin prochain pour vous précipiter au pays des
canyons afin d'y voir certaines des choses que j'ai essayé d'évoquer dans ces
pages. D'abord vous
ne pouvez rien voir d'une voiture; vous devez sortir de votre sacré
fourbi et marcher ou mieux
encore, ramper, à l'aide de vos mains et de vos genoux, sur le grés et dans
les buissons épineux
et les cactus. Lorsque les traces de sang commenceront à signaler votre
passage, vous verrez
quelques choses peut être. Probablement pas. Ensuite, la
plus grande partie de ce sur quoi j'écris
a déjà disparu ou est en train de disparaître.
Ce livre n'est pas un guide de voyage, mais une élégie.
Un mémorial. Vous tenez entre vos mains une pierre tombale. Un rocher
sanglant. Ne le laissez pas
tomber sur vos pied. Jetez-le sur quelque chose de
gros et qui a des vitres.
Qu'est-ce que vous risquez?"
"Désert solitaire" Payot
"Croître pour croître c'est l'idéologie du cancer!"
Friedrich Nietzsche
Grands
hommes et fleuves font des détours sinueux, mais qui les mènent à leur but:
Tel
est leur courage le plus grand, ils ne redoutent pas les chemins détournés...
L'esclave voudrait
se convaincre que même chez les autres, le bonheur n'est pas véritable...
...Tu courrais trop vite:
Maintenant que tu es las,
Ton bonheur te rattraperas.
...Notre
chasse à la vérité est elle une chasse au bonheur?
Bataille
Le bonheur
affirmé contre toute raison.
Laurie
Lee
Extrait
d'une relation à travers et avec l'Espagne, juste avant la guerre civile,
par
un jeune marcheur anglais, vagabond et poète.
"La terre bien chaude tout contre moi, je restai allongé sur
le ventre et ne tardais pas à oublier
le froid de la rosée et les loups de la
nuit. M'éveiller à l'aurore au flanc d'une colline et contempler
un monde
qu'aucun de mes mots ne savait dire, commencer au commencement, muettement,
sans
projet précis et dans des lieux qui, pour moi, étaient libres de tout
souvenir, c'était très
précisément pour ça que j'étais venu en ce lieu.
Car en m'éveillant ce matin-là devant l'entier d'une Espagne où je
pouvais aller n'importe où,
je me retrouvais dans un pays dont je ne
connaissais rien."
"Un beau matin d'été" Payot
Pessoa
La splendeur d'un beau soleil couchant, avec toute sa beauté m'attriste. Devant ce spectacle je me dis souvent:
quel plaisir ce doit être de le contempler pour un homme heureux !
C'est presque rien, je le sais bien,
Mais c'est ainsi qu'est le bonheur,
Et il n'y a que très peu d'heures
Que nous puissions vraiment bénir.
... vers l'envers ...
Poétesse russe dissidente (1889-1966),
persécutée pendant la période stalinienne
avec sa famille
Dans la chambre du poète en disgrâce
Où veillent tour à tour la Terreur et la Muse
Vient une nuit
Qui ne connaît pas l'aurore.
*
Pourquoi gâtez-vous
mon eau même,
Mêlez-vous de terre
mon pain?
Pourquoi ma liberté
suprême
Se voit transformer en
pantin?
Parce que je reste fidèle
A mon pauvre et triste
pays
Et que je n'ai pas ri,
cruelle,
Du sort amer de mes
amis?
Ainsi soit-il!
Bourreau, potence,
Il n'est point de
poète sans eux.
A nous de faire
pénitence,
D'aller en cortège de
gueux...
*
Tu n'es plus parmi les vivants
Tu resteras sur la neige
Vingt-huit coups de baïonnette,
Cinq de fusil.
J'ai cousu pour mon ami
un triste vêtement.
Elle aime, elle aime le sang
La terre russe.
Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre,
Je n'aurais pu souffrir ainsi.
Tout ce qui s'est passé, qu'un drap noir le recouvre
Et qu'on emporte les lanternes...
C'est la nuit.
*
Le cours de notre temps sur la terre est rapide,
Le cercle du destin étroit
Mais fidèle et éternel
L'ami inconnu du poète.
*
(Requiem)...C'est au petit jour
qu'on vint te prendre.
Comme à la levée d'un
corps je te suivais.
Les enfants pleuraient
dans les ténèbres.
Sous l'icône, un
cierge avait coulé.
(le verdict)...Le voici
tombé, le mot de pierre
Sur mon cœur, mon cœur
encore vivant.
Ce n'est rien, je
saurais bien m'y faire,
Je m'y préparais
depuis longtemps
Aujourd'hui j'ai beaucoup à faire;
Il faut que je tue ma mémoire.
Il faut que mon âme soit de pierre.
Il faut apprendre à vivre de nouveau
Sinon... Le chaud murmure de l'été
Célèbre sa fête à ma fenêtre
Je pressentais depuis longtemps
Ce jour si pur et ma maison déserte.
*
...Dix-sept mois que je
crie
Reviens, et que je
rampe
Aux pieds du bourreau,
ô mon fils,
Mon fils - mon
épouvante.
...Elle me prendras
toute entière,
Je ne pourrais rien
emporter:
Ni le regard - cette
épouvante -
De mon fils, douleur
pétrifiée,
Ni le jour où vint la
tourmente,
Ni la visite aux
prisonniers,
Ni la douce fraîcheur
des mains,
Ni l'ombrage ému des
tilleuls,
Ni le son léger et
lointain
Des derniers mots de
réconfort.
*
Jdanov (idéologue marxiste léniniste)
: "...C'est la poésie d'une grande dame hystérique,
ballottée entre le boudoir et l'oratoire.
L'essentiel chez elle, ce sont les motifs érotiques,
entremêlés des
motifs de la tristesse, du spleen, de le mort, de la mystique, de la fatalité...
Nonne ou fornicatrice,
ou plutôt nonne et fornicatrice chez qui la fornication se mêle à la
prière..."