Eizo Ryokan

Accueil Moine Zen 
(poète et calligraphe)
 1758-1831
Haïku


J'habite une forêt profonde
Les glycines poussent chaque année un peu plus
Nulle préoccupation mondaine ne m'atteint
Parfois un bûcheron chante
Je recouds ma robe de moine au soleil
Je lis des poèmes à la lumière de la lune
Je voudrais dire aux hommes
Que pour être heureux peu de choses sont nécessaires.


*

Au loin les montagnes; les oiseaux se reposent
Les feuilles tombent dans le jardin silencieux
Solitaire dans le vent d'automne,
Un homme debout en robe noire.

*

C'est la fin du jour, tout est immobile
Je ferme la porte de branchages
Le chant des grillons s'apaise progressivement
Les herbes et les arbres s'assombrissent
La nuit est longue, plusieurs fois je remets de l'encens
Le froid s'insinue et j'enfile une robe supplémentaire
En pratiquant la méditation
Le temps passe avec bonheur.

*

Les montagnes et les rivières sont mes voisins
Les nuages voilent mon ombres sur le chemin
Un oiseau me frôle sur le rocher
Je traverse le village perdu dans la neige avec mes sandales de paille
Au printemps je chemine avec ma canne dans un champ plein de soleil
Limpide. Si on saisit sa véritable nature
Les fleurs sont des poussières du monde.
Souvent je monte au temple de la grande compassion
Contempler les nuages et les brumes
Les pins et les cyprès sont vieux de mille ans
Un vent souffle depuis des milliers de générations.

*

De passage dans le temple d'Arima
J'écoute la grêle sur les feuilles de bambous
Dans ma maison natale, on voit peut-être aussi la lune ce soir.

*

Jeune, j'ai laissé mon foyer pour parcourir le pays
M'exerçant à imiter le tigre, je ne suis même pas parvenu à imiter le chat
Si on m'interrogeait sur ce que je pense vraiment, je dirais:
"Je suis le même que le jeune Elzo, mais en vieux".

*

Plus de soixante dix ans ont passé.
Ce que les hommes appellent le vrai et le faux ne me concerne pas
La neige de la nuit a effacé les traces de mes pas
Sous la fenêtre brûle l'encens.

*

même lorsque
je n'ai pas eu assez à manger
au fond de mon bol
de soupe de riz apparaît
mon ombre
 

sorti
pour mendier mon riz
dans la prairie printanière
je me suis mis à cueillir des violettes
la journée déjà se termine
 

   si les manches de ma robe
teinte à l'encre noire
étaient plus larges, j'y abriterais
le peuple de ce monde flottant
où tout est à l'envers

ramassant du bois
puis traversant le pont
dans la brume du soir


l'automne se termine
qui pourrait comprendre
ma mélancolie


le voleur parti
n'a oublié qu'une chose,
la lune à la fenêtre


 Le ciel pur d’automne
Un boqueteau de vieux arbres –
Et cette cabane ! 


 Le ciel clair d’automne
des milliers de moineaux –
le bruit de leur ailes 


 Tendre souvenir :
la coiffure des enfants –
violettes en fleur 


 La fenêtre ouverte
tout le passé me revient –
bien mieux qu’un rêve ! 


 De tous petits groupes
de hérons passent dans le ciel –
crépuscule d’automne 

 Combien sont-ils donc
avançant en zigzaguant
les marchands de sardine ? 


Sans être poudrée -
la blancheur de ton visage
jeune mariée !


Brûlant du bois mort
quand vient le soir on entend
la pluie automnale


A l'ombre des arbres
du mont Kugami, dans cette cabane
j'aimerais vieillir.

*
 

Encore ?

Trop paresseux pour être ambitieux,
je laisse le monde prendre soin de lui-même.
Dix jours de riz dans mon baluchon ;
un tas de brindille près du feu.
Pourquoi bavarder à propos des illusions et de l'illumination ?
Écoutant la nuit, la pluie tomber sur mon toit,
je m'assois confortablement, mes deux jambes étendues.

* * *

Retournant dans mon village natal après bien des années d'absence :
malade, je suis entré dans une auberge de campagne et ai écouté la
pluie.
Une robe, un bol, voilà toute ma fortune.
J'allume l'encens et m'assois avec beaucoup de peine pour méditer ;
derrière la fenêtre sombre, toute la nuit, il n'a cessé de bruiner -
en moi, les souvenirs poignants de ces longues années de pèlerinage.

* * *

Dans ma jeunesse aspirant à devenir un saint
j'ai délaissé mes études.
Vivant austèrement comme un moine mendiant
j'ai vagabondé ici et là durant maints printemps.
Finalement je suis retourné chez moi pour m'établir sous un sommet
rocailleux.
Là, je vis paisiblement dans une hutte d'herbe,
en écoutant le chant des oiseaux.
Les nuages sont mes meilleurs voisins.
Au-dessous de moi, coule une source d'eau pure où je vais rafraîchir
mon corps et mon âme ;
Juste Au-dessus, s'élèvent pins et chênes qui donnent ombrage et
broussaille
Libre, si libre, jour après jour -
que je ne veux jamais partir d'ici !

* * *

Un simple sentier sillonnant entre dix mille arbres,
Une vallée brumeuse cachée parmi un millier de sommets.
Ce n'est pas encore l'automne pourtant les feuilles tombent ;
Il ne pleut pas beaucoup, pourtant les rochers poussent sombres.
Avec mon panier, je cueille des champignons ;
avec mon seau, je prends de l'eau pure à la source.
À moins que vous ne fassiez exprès de vous perdre
vous ne pourrez jamais arriver, si loin, jusqu'ici.

* * *

Je monte jusqu'à la Salle de la Grande Compassion
et contemple les nuages et la brume.
De vieux arbres s'étirent vers le ciel,
une brise fraîche murmure depuis dix mille générations.
En bas, le torrent du Roi Dragon -
Si pur que l'on peut voir jusqu'à sa source.
Au passant je crie,
« Viens et regarde ton reflet dans l'eau ! »

* * *

J'ai fait pousser autour de ma hutte
des plantes et des fleurs.
Maintenant, je m'en remets
à la volonté du vent.

* * *

Dans mon ermitage un volume des poèmes de la Montagne Froide -
C'est mieux que n'importe quel sutra.
Je recopie ses vers et les envoie à mon entourage
Savourant chacun d'eux, encore et encore.

* * *

La nuit, au cœur des montagnes
Je m'assois pour méditer.
Les affaires des hommes jamais ne m'atteignent ici :
Tout est calme et vide,
La nuit sans fin a avalé tout l'encens.
Ma robe est devenue un habit de rosée.
Ne pouvant dormir, Je marche dans les bois -
Soudain, au-dessus du pic le plus haut, la pleine lune apparaît.

* * *

Dans le calme, près de la fenêtre vide
Je m'assois correctement pour la méditation, portant ma robe de moine.
Le nombril et le nez alignés,
les oreilles parallèles aux épaules.
La clarté de la lune envahit la pièce ;
La pluie s'arrête mais l'avant-toit continue à goutter.
Parfait est cet instant -
Dans l'immense vide, ma compréhension s'approfondit.

* * *

Déchirée et en lambeaux, déchirée et en lambeaux
déchirée et en lambeaux est cette vie.
La nourriture ? je la mendie sur ma route.
Les arbustes et les buissons ont depuis longtemps envahi ma hutte.
Souvent la lune et moi, nous nous asseyons ensemble toute la nuit,
et plus d'une fois, je me perds parmi les fleurs sauvages,
oubliant de rentrer chez moi.
Ne vous demandez pas pourquoi j'ai quitté la vie en communauté :
comment un moine aussi fou pourrait-il vivre dans un temple ?