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Poèmes égarés

 

 

                                                                                                                                                                     André Cayrel

Sur la route...

J'ai roulé tant de kilomètres
Des kilomètres par milliers
C'était une façon d'être
D'être sans se retourner

Quand la voiture conduit le rêve
On ne peut plus s'arrêter
Il ne faut que des haltes brèves
Pour éviter de le briser
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Voir le monde à travers des vitres
Sur les routes de l'irréel
C'était malgré les rencontres
Mon premier voyage virtuel

Cette faiblesse ou cette chance
De toujours devoir repartir
De repartir vers d'autres danses
Et ne jamais devoir finir

A guidé toute ma jeunesse
Des nordiques destinations
Aux frontières de la Perse
Mais toujours sans une station

Sur les routes du nouveau monde
Comme tant d'autres toujours à l'Ouest
Puis dans le Sud pour une ronde
Qui se termine à Key West

Qui c'est çui là !?

Ten thousand milles et des poussières
Mais bien peu de séparation
La seule qui me désespère
C'est celle de la Station wagon

A l'Est dans la vieille Europe
Enveloppée dans son rideau
Séparée mais tellement proche
Nous apportions le renouveau

Qui avait le plus de colère
Et le plus de compassion
Un temps nous étions des frères
Qui avions la clé de la prison

Si tout se passe dans ta tête
Tu ne trouves pas le chemin
Il faut que les moteurs s'arrêtent
Pour le sentir dans le matin


A peine ai-je entrevu le monde
Mais je l'avais bien trop rêvé
La douce piste vagabonde
Je ne l'ai goûté qu'à l'arrêt

Tout meurt tout passe tout s’efface
Mais je repartirai un jour
Comme avant sans laisser de trace
Juste deux dates pour toujours


*

 

Ile ste Lucie (France, mais où?!)

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Un soir un voyageur

Finissant son étape

Empruntât ce chemin

Dans le soleil couchant

Ce soir là

Avec sa solitude et ses illuminations

Il pensât que c'était le plus beau chemin

De toute la terre

Ce soir là 

C'était vrai

 

 



Vers le
 mirliton!

fleurdame

L’impatient printemps à l’hiver mourant :

Tu as fait ton temps, pas de sentiment !

 

L’amandier volage sous son voile blanc,

Sort de son veuvage, il devient troublant !

Nuages et vents sont partis en fraude,

Le bleu insolent revient à la mode.

 

Le ciste pressé aime davantage

Voir ses fleurs froissées que le repassage.

 

Et le romarin, qui sans rien nous dire

Colorant ses brins, se met à bleuir.

 

La digne asphodèle pourtant la plus belle

Est toujours fidèle à sa même parcelle.

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La garrigue sent, mon Dieu quelle haleine,

Le thym l’origan et la marjolaine !

 

L'étrange orchidée, la belle suspecte,

Sera contrôlée par tous les insectes.

 

Brillant hanneton, le verger s’affole,

C’est pas des façons un bijou qui vole !

La fleur du pêcher est tendre et sublime,

Comme la chair cachée de la peau des filles.

 

Tout ce qui est vivant, parade et lutine,

Avec en avant, la gent féminine !

 

Nous allons devoir nous habituer

A revoir les femmes se déshabiller !

 

*

 

 

Au nom du père...


Comme le vieux tronc dans la clairière

Il est mort mais est toujours là.

Il durera moins que la pierre

Mais le temps que je serai là.

 

Si les racines sont bien en terre

Alors le tronc montera droit.

Ainsi le fils suivra le père,

Serais-je souche comme toi.

 

*

    

Dormir après le labeur

L'espoir après la peur

La vie après le mystère

Le fils après le père

La mort bien après la vie

 Bonheur infini

  *

Dans les champs l’herbe se colore

De mille fleurs de mille feux,

Il est grand temps d’aller dehors,

Voici la fin du couvre-feux !

 

On voit aussi sur ces couleurs

Remuer de vivantes fleurs,

Les papillons sont à l’honneur,

C’est même l’heure de leur bonheur !

Leurs ailes, toiles impressionnistes,

Peintes par Monet ou par Gauguin,

(Qui était plutôt un symboliste)

En tous cas par un artiste,

Sont les chefs d’œuvres du jardin.

 

Cette euphorie et cette fête

Ont eu lieu des millions de fois

Pourtant chaque acteur la répète

Comme pour la première fois !

*

 

 

Naître...

Un être plutôt que paraître,

De l’orgueil sans la vanité,

Le bonheur de faire naître

Et d’apprendre la dignité.

 

A l’exemple que tu donnes

Et qui te coûte tellement

La vendange sera bonne

Nul n’est bon volontairement.

 

 

    *

Le premier amour

Quand on y repense

Est le dernier jour

De notre insouciance.

 

Cet amour trop grand

Si douce blessure

Est le monument

Des amours futures.

 

Tout premier bonheur

Que l’on a perdu

Ange annonciateur

Des rêves déçus.

 

Pourquoi résister

Cette déchirure

On va l’emporter

Dans la sépulture.

 

A croire vraiment

Que cette aventure

Est pour les enfants

Ou les âmes pures.

 

Qu’importe pourtant

La triste ouverture

Restons débutants

Aux amours matures.

*

Bonheur primaire

Volatilisé.

Amour éphémère

Idéalisé.


Le centre du monde

Du monde on devient le centre

Quand arrive enfin notre tour

On sait qu’on a rencontré l’autre

Et c’est ainsi que naît l’amour 

 

Ce bonheur incommunicable

Même si on ne l’a qu’entrevue

Est une drogue inoubliable

Le seul miracle qu’on ait vu

 

Quand la maladie nous pénètre

On délaisse les amitiés

Je voulais devenir un être

Je suis enfin une moitié 

 

D’un regard tu m’as fait renaître

Redonné du goût à ma vie

Ce cœur qui croyait tout connaître

N’avait en fait jamais servi

*

 


La maison de son enfance

On ne l’habite qu’une fois,

C’est là un jour que tout commence

Premiers rêves, premiers émois.

 

Les souvenirs que l’on y laisse

Nous accompagneront toujours

Surtout lorsque la vie nous blesse

Et qu’arrivent les mauvais jours.

 

Ses pierres pour nous sont uniques,

Fondation de nos sentiments,

Nous les imaginons magiques

Et habitées par nos parents.


Son image nous accompagne

Et commande la nostalgie,

Elle reste notre compagne

Jusqu’à la fin de notre vie.


*

Qui aurait dit qu’à la retraite

Tu aurais pu avoir envie

De devenir un peu poète

Pour colorier ta fin de vie.

*

 





Moi la peluche veloutée

Je passe des journées entières

A écraser les oreillers

De ça je n'en suis pas peu fière

 

Mais quand il faut aller chasser

Pour honorer mes origines

Mes griffes et mes yeux violacés

Me transforment vite en féline

 

Au matin si je fais un don

Du fruit de mes combats vainqueurs

Mes patrons choqués oublieront

Qu’ils ont été des prédateurs.

*

 

L’homme qu’on n'attend plus...

 

On ne sera jamais l’homme qu’on attendait.

L’enfant que nous étions s’est perdu sur la route

Il a abandonné ses promesses et ses doutes 

Quand je fus qui je suis je l’ai alors laissé.

 

Irais-je le chercher si je sais où il reste

Maintenant que je vois que le temps ne s’arrête

Ni lorsqu’on l'a trompé, ni lorsqu’on l'a perdu

L'aube est vite passée et j'ai bien eu mon du.

 

Du haut de ma montée pourrais-je apercevoir

Ce fils dans le lointain qui m’impressionne encore 

Trouver un peu de moi dans cet enfant d’alors

Qui a les cartes en main et n’attends que pour voir.

 

Mais ce double qui me regarde, insouciant,

N’a pas l’air de vouloir faire mon jugement,

Il est plus lucide et moins sec que son suivant,

Il compatit aux faiblesses du survivant.


                                                                    *
Maguelone

Maguelone

Never' lone

S'abandonne

Sous les aulnes...

 


 




Chateauneuf les Moustiers

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Pourquoi ce lieu abandonné,

Ces édifices ?

Pourquoi ce village oublié,

Quel maléfice ?

                     Dernières habitantes

Pour quel mirage sont-il partis ?

Quelle séductrice ?

Qui les aura anéantis,

Sans cicatrices ?

 

Qui un beau jour les a trahis ?

Quelle injustice,

Tout ce labeur, toutes ces vies

Quel sacrifice.

 

Pourtant la cloche a retenti

Pour l’armistice

Mais pour eux tout était fini

De profundis.

 

Le monument aux morts survit

Comme un calice

Qui sera bu jusqu’à la lie

Dernier supplice.

 

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Qui lui redonnera la vie

Réparatrice,

Sera guidé par leurs esprits

Qui le bénissent.

*

..."Quatre ans plus tard éclata la guerre de 14. Sur les vingt ribotins (qui se réunissaient pour faire la fête), dix-sept restèrent sur les champs de bataille. En mourut aussi, le village de mon père, Châteauneuf-les-Moustiers."    Marcel Scipion (L'arbre du mensonge - Seghers)

 


 

"I'am mélancoly man..."

Je suis un homme mélancolique,

Qui ne l’est pas dans son automne ?

Quand le passé devient magique,

Le présent devient monotone.

Loin de nos yeux trop rapides

Qui ne voient qu’un futur voilé

Le réel nous semble insipide

Alors qu’il est la vérité.


Cette volonté d’errance,

De découvrir d’autres matins,

M’infligera la récompense

De devenir un bohémien.

*

  Le jour où l’homme réalisa

Que son passé c'était l’oubli,

Son âme triste inventa,

Pour survivre, la mélancolie (et le mirliton tonton!).

*


 

Crépuscule sur Fromista

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La vie est une loterie

Où la récompense est la mort

Pour le moment ça me sourit !

Mais le tirage dure encore.


*

Esperenza y allégria !

 

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