Extase mystique féminine
"Rien de plus beau qu'une femme qui
prie." Stendhal
"Ô mon Dieu, si vous faisiez sentir aux personnes les plus sensuelles ce
que je sens,
elle quitteraient bientôt leurs faux plaisirs pour jouir d'un bien
si véritable."
Mme Guyon
"De la même manière que l'amant est avide du baiser de son amante,
celui qui tend à la grâce n'en finit pas de chercher le moyen de recevoir le
baiser
qui le conduira à l'extase. "
Bernard de Clairvaux
"L'amour et l'extase constituent des formes de connaissance supérieure au savoir
intellectuel."
Confucius (Entretiens)
EXTASES" de ERNEST PIGNON-ERNEST
Il y
a moins d'un siècle, l’extase signifiait pour beaucoup un état de plénitude
spirituelle, d’abandon de soi, de béatitude exquise
rarement atteinte et réservée aux plus fervents dévots; aujourd'hui, où les discours sur la vie sexuelle sont plus répandus
que ceux sur la méditation
religieuse, le même mot est chargé d'autres sens bien plus prosaïques.
Je me suis "amusé", après d'autres, à établir des rapprochements
pour tenter de
décrire les
similitudes troublantes
entre les aspects religieux et sensuels de l’extase.
Après cela, l'iconographie saint sulpicienne (avec ses Christ
et ses saintes beaux comme des
dieux hollywoodiens),
qui à bercé mon enfance, est vue avec un regard bien différent...
Avec le culte de la virginité et la
hantise de la sexualité (liée entre autres aux risques
et aux douleurs de l'accouchement
),
la
passion et la pulsion érotiques pouvaient (peuvent?)
se transférer sur la passion
religieuse: une sublimation
des aspirations sexuelles inassouvies
dans une
sanctification triomphante et ambiguë de la chasteté.
Le mysticisme peut donc être l'une des
voies que peut prendre la libido détournée de la sexualité.
Ce n'est pas un
hasard si les mystiques s'imposent précisément l'abstinence sexuelle.
Le corps féminin est
en mystique porté aux frontières inconnues des sens...
A.Cayrel
Que mon plaisir
soit dans les larmes
Et mon répit soit la frayeur...
Thérèse D'Avilla
Où êtes-vous caché
Ô mon bien-aimé et pourquoi m'avez-vous laissée gémissante?
Comme le cerf vous avez fui
Après m'avoir blessée...
Si par bonheur vous le voyez
Celui que j'aime le plus
Dites-lui que je languis, que je souffre et que je meurs.
(Cantique des cantiques)
"Quand elle causait avec le Seigneur, la
joie donnait à Angèle une autre figure et
un autre corps; la délectation du Saint-esprit mettait sa chair en feu; j'ai vu ses
yeux ardents comme la lampe
de l'autel; j'ai vu sa figure ressemblait à une rose pourpre...
(Secrétaire
d'Angèle de Foligno)
L'expérience mystique est elle une sexualité transposée?!
Il y a des similitudes
flagrantes voire des équivalences et des échanges, entre les systèmes d'effusion
érotiques et mystique.
...
Ce que le mystique n'a pu dire
(au moment de le dire, il défaillait), l'érotisme le dit :
Dieu n'est rien s'il n'est pas dépassement de Dieu dans tous les sens; dans le
sens vulgaire,
dans celui de l'horreur et de l'impureté. finalement dans le sens de rien...
Le désir est chaque fois l'origine des moments d'extase, et l'amour qui en est
le mouvement
a toujours en un point quelconque l'anéantissement des êtres pour objet...
La transe mystique, de quelques confession qu'elle relève, s'épuise à
dépasser la limite de l'être.
Sa brûlure intime, portée à l'extrême degré de l'intensité, consume
inexorablement
tout ce qui donne aux êtres, aux choses, une apparence de stabilité...
... le sommet n'est à la fin que l'inaccessible.
Je survis ne pouvant rien faire à la déchirure, en suivant des yeux cette
lueur qui se joue de moi.
... j'entre à nouveau dans la nuit de l'enfant égaré, dans l'angoisse, pour
revenir plus loin au ravissement
et ainsi sans autre fin que l'épuisement, sans autre possibilité d'arrêt
qu'une défaillance.
C'est la joie suppliciante.
G.Bataille (l'Erotisme)
*
Le sens de l'érotisme échappe à quiconque n'en voit pas le sens religieux!
La religion... est à la base subversive; elle détourne de l'observation des
lois.
Du moins, ce qu'elle commande est-il l'excès, c'est le sacrifice, c'est la fête,
dont l'extase est le sommet.
G. Bataille (Les larmes d'Eros)
"Mon
hostilité à la littérature érotique tient en ceci : je redoute de céder,
si peu que ce soit, à la connivence avec ce que pourtant je déteste.
Non que je me sente meilleur que l’auteur, ou plus pur. C’est l’érotisme
des autres que nous détestons. Chacun à le sien, qu’il a ou non dominé.
Les saints on transcendé le leur. "
F. Mauriac
*
Novalis ( Friedrich von Hardenberg
(1772-1801)) distingue deux phases dans l'extase :
- la première par laquelle l'âme descend dans le corps, c'est l'embrassement,
les caresses, la montée du désir.
- la seconde qui correspond à montée du corps vers l'âme pendant l'orgasme
proprement dit.
Cet état mi-corporel, mi-spirituel, serait celui de l'ivresse érotique. Il mène
jusqu'au dépassement de la frontière entre l'âme et le corps,
jusqu'à un
seuil de conscience habituellement inconnu. Et l'extase serait donc cette
union à la vie elle-même,
née d'une union amoureuse comme elle peut naître d'un hallucinogène ou d'une expérience mystique...
Raison et folie, jubilation et harmonie, eau et feu, tête et sexe ne font qu'un.
L'extase est dans le
corps.
" Ma douce fille, mes délices, mon temple; ma fille, mon aimée,
aime-moi
car je t'aime beaucoup plus que tu ne peux m'aimer. Ma fille et mon
épouse,
que tu m'es douce. Je t'aime, je t'aime infiniment. Je me suis posé
en toi,
pose-toi en moi maintenant... Je vais te remplir et te quitter.
(la
Voix s'adressant à Angèle de Foligno)
" Je vis un ange auprès de moi, à gauche, en forme corporelle, ce qui
n'est donné
qu'exceptionnellement. Il n'était pas grand mais petit et très beau. A son
visage enflammé
il paraissait être des plus élevé parmi ceux qui semblent
tout embraser d'amour. Il tenait
en ses mains un long dard en or dont
l'extrémité en fer portait je crois un peu de feu.
Il semblait qu'il le
plongeait plusieurs fois dans mon cœur et l'enfonçait jusqu'aux entrailles.
En le retirant, on aurait dit que ce fer les emportait avec lui et me laissait
toute entière enflammée d'un immense amour de Dieu...
La douleur était si
vive que je gémissais et si excessive la suavité de cette douleur qu'on ne
peut désirer qu'elle cesse.
Douleur spirituelle et non corporelle, bien que
le corps ne manque pas d'y avoir sa part, et même beaucoup."
( La vie de Sainte Thérèse
écrite par elle-même)
"Moi, je le dis:
la volupté unique et suprême de l'amour gît dans la certitude de faire le mal.
Et l'homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve toute
volupté "
Baudelaire
Les mystiques, tangentiellement à tout dogme, frôlant donc à chaque instant
le délire,
l'hérésie, développent, non sans risques, leur sexualité
indirecte, dans des livres brûlants
que l'amour traverse, et qui sont une
revanche ou une apothéose de la féminité.
Jean Noël Vuarnet (Extases
féminines - Hatier)
+
La béatitude ( pour parler d'une façon plus technique, le plaisir) serait-elle
jamais une preuve de la vérité?
Elle le serait si peu que, quand des sensations de plaisir se mêlent de
répondre à la question "qu'est-ce qui est vrai?",
nous avons presque la preuve du contraire. La preuve par le "plaisir"
est une preuve de "plaisir". rien de plus;
comment pourrait-on savoir que les jugements vrais causent un plus grand plaisir
que les jugements faux...
L'expérience de tous les esprits sérieux et profonds enseigne le contraire. Le
service de la vérité est le plus dur service...
La foi donne la béatitude: donc elle ment...
Nietzsche (L'Antéchrist)
"Tout comme le mysticisme chrétien au plus haut degré de l'extase retourne à la
grossière sensualité religieuse,
l'amour idéal peut, lui aussi, devenir de nouveau sensuel précisément à cause de
son intensification émotionnelle de l'idéal.
C'est un fait déplaisant que cette revanche du corps. Je n'aime pas les
sentiments circulaires qui retournent là d'où ils sont partis,
car c'est alors le faux pathos, la sincérité et la vérité de sentiment perdues.
Est-ce cela qui, peut-être, m'éloigne de Nietzsche."
Lou Salomé
Sainte
Catherine à genoux s'affaisse. Sa main est blessée par le stigmate; sa main
pend,
elle repose chastement dans le creux de ses cuisses. Comme elle est femme,
la pure femme, la religieuse, ces larges hanches, cette douce poitrine
sous le voile et ces épaules... Le creux des cuisses signifie l'amour,
mais il ne faut pas penser selon la chair, c'est une idée de satan.
(Pierre jean Jouve)
"Cambrées, intactes en son cœur comme des jeunes Pompéiennes,
immobilisées à jamais dans l'attitude de l'amour."
On s'étonne des mystiques, mais le secret et là: leur amour, à la manière
des torrents,
n'avait qu'un seul lit, étroit, profond, en pente, et c'est pour
cela qu'il emportait tout.
Flaubert
"La religion est la névrose
obsessionnelle universelle de l'humanité."
Sigmund Freud.
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