Haïku sur le chemin de St Jacques

(senryû et tercets)
Récoltés sur plusieurs saisons 
 andré Cayrel

Accueil Santiago 2010 Haïkus empruntés Santiago juin 2005


le chemin ne va pas quelque part il est quelque chose...
« Je ne suis pas » dit le chemin, « je te suis pourtant »...


 

s’ouvre le chemin
de la vie et de la mort
matin d’automne




 





©opirate andré Cayrel                                                  






jour après jour  
de l’orée à la tombée
toujours marchant

Quand tu prendras le chemin de Saint Jacques
souhaite que la route soit longue...
Car tu chemines en compagnie de ta propre ruine.
(Cum subversione tua ambulas. Saint Augustain)


N.D. du Puy
pénombre sous le porche
plein soleil sur la rue en pente 

+

croix blanche au ciel
au-dessus du chemin...
planeur silencieux


Pèlerins célestes
conduits par la fleur de la raison…
de la Passion

 

croix du chemin:
plus personne ne la voit
sauf à pied
 


Il n’y a qu’une seule psalmodie
C’est la monotonie
Le chemin l’accompagne

 

sur la murette       
deux fillettes endimanchées: 
sourires complices    

prêtes à voler
les pierres du chemin
attendent mes pas

 

 
        impression: 
        les tournesols me suivent aussi...
                      si si, ils tournent ma tête


      sur le chemin
      mon ombre tournée
      vers les tournesols

 aube d’été
première vision du jour
sa couleur

      

       malgré elle
       on part sans se retourner
       regrets éternels
 

je marche au ciel
dans la poussière blonde
et dans l’azur
 

pas à pas
sur le chemin…
faire l’amour

 

pointes de violet   
dans le kermès et le thym: 
iris sauvages      

 ombre qui s'éloigne
reviendra-t-il de là-bas
le vieux pèlerin

                        ND hortus  Nef immobile
Dans l'océan des vignes
 ND d'Hortus

 lever des pèlerins  
bien avant le soleil 
coq au p’tit déj’   

aube de printemps:
du rouge au jaune
pas encore au vert

   chemin à l’aube
   sur mon front le travail
   des araignées

chemin à elles   

les toiles du matin  

par l’araignée du soir

       

        blés murs
  noyés dans le bleu
   virant vers le vert

né on ne sait d’où

vent léger parmi les feuilles

doux matin de juin

 

     être heureux 

 c’est bien, encore faut-il 

   s'en apercevoir

or sur bleu frais
pas encore lavé
matin de juin



printemps aujourd’hui  
la plaine à perte de vue 
encore plus verte      

cocorico
dressés sur la crête
coquelicots

camino(29309 octets)

- "tout ça pour moi :
ces fleurs ces champs ces couleurs "dit-elle
- " pareil " dit-il


déjeuner sur l’herbe : 
les sardines des autres 
bien meilleures      
    

deux gros pèlerins

deux petits sacs deux voitures

font leurs chemins

 

  Mon ombre le soir
  traîne loin derrière
  ah! celle du matin

      
 plus randonneur    
pas vraiment pèlerin 
faiseur de chemin  

qu’avons-nous en commun ?
- au moins un bout de chemin
et les étoiles   
*

le matin
le plus beau chemin
le soir le plus court



le chemin est long
 jamais large...
guidé seulement


flaques sur le chemin
des miroirs pour mes semelles
 

   Mêmes empreintes
suivies depuis ce matin
  Enfin les chaussures...

pèlerin 
à genoux devant sa femme...
problème de chaussures

     play-boy torse nu :
- « pas de sexe sur le chemin …
       on peut rêver »

Marchant ensemble       
tant de femmes seules     
au milieu de tant d’hommes  

chien-loup hargneux

plus il se rapproche 

moins il a du chien

 

dernier voyage
du pèlerin sans paroles 
 cancer de la gorge

allant au soleil
son tube dans la gorge
vers le couchant
*

au souper     
on embellit la journée
vin à volonté  

 

 carnet de route
    écrit après le repas...   
 bien plus lyrique

    buste dans la vigne
 l’homme lève son chapeau
      salut et merci

avec la pèlerine
nous avons tant parlé...
jamais revue

*

au bord du chemin
pour qui la croix oubliée ?
marchons marchons...

       La peur est intérieure
  Nous cherchons à l'exorciser
       sur la croix du chemin

 


    elle cherche Dieu    
ne l’a toujours pas trouvé... 
  rien que des humains  
 

en se cherchant
on trouve surtout les autres (ou l'inverse)
chercheur en chemin

me dépassant
revenant me pousser, repartant
vent d’Autan
 

Le chemin est La Voie (TAO) ... Les voies ordinaires sont des chemins, des routes à suivre... 
Mais la Voie sans particularité, la Voie qui n’est que Voie est infinie... 
La Voie ne mène à rien… qu’à nous même.
...La vie est un pèlerin
qui passe
et la mort n'est
qu'un retour au foyer
Li Po

  
Roncevaux
premiers mots espagnols
"buen camino"
*

 avant San Domingo de la calzada

au refuge
la jeune hospitalière: 
vierge du Gréco

à San Bol          
sourire et café chaud  
souvenir frais       

  Château en Espagne:

dans la fenêtre à meneau

    un rouge-gorge


sur le clocher
deux cigognes et leurs petits
je pense à eux
*
coup de téléphone
il y a bien une vraie vie
après le chemin


  un paraplégique
me regarde passer
    impassible
  

pèlerin qui revient
connaissant l’autre rive
ne me dis rien
(Peu reviennent à pied)

   avant la montée
aguardiente au pouss’café
  ivresse des cimes

 neige vent grésil
col de la Cruz de hierro
notre Anapurna

     ce soir
    les ombres se posent à terre
                           lourdement

 

au refuge      
prolongeant la communion
les ronfleurs    

  boues pierres poussières
  nulle foulée ne ressemble à une autre...
                                           aventure


XXX
cailloux poux genoux
 au-delà des maux et des croix
la voix exceptionnelle
XXX

 

dans la chapelle
cinq minutes de chant grégorien
...
l’éternité 
 

  
       est-ce celui là
« le sentier du bout du monde »
      si beau au début...

toujours le sourire

la fille avec la casquette

sans cheveux
Coquelicots

de tout le chemin
son seul enseignement
"la vie est belle"

  coup de vent sur le pont  
la señora tient son chapeau 
       pas sa robe   
      (Ospital del orbigo)   

matin silencieux
envie d’entendre des bruits
des paroles 

*
perdu sur la route
ni montre ni direction
 le temps retrouvé

   si attirant    
le village vu de loin...
de près rien à voir

  plus de flèche jaune...
rues et village sans nom
chemin personnel

 

chemin droit et nu
traversant de part en part
flèche pure

       sur le fil
des centaines de passereaux

      un village


village perdu      

odeurs d’égout et de fumier

comme avant     

 


aucun humain       
dans le village à midi  
pas même une ombre   

 

  droite en plein soleil

  toute habillée de sombre...

  ombre

 écrit sur le mur:       
morts phalangistes effacés
   républicains tout frais   

 
le chemin
dans la lumière, se perdre
dans son ombre

  sur les murs en ruines
   éphémères
  des ombres marchent

 seul dans l’église       
avec les lumignons rouges,   
tremblotante nuit       
(à Azofra, nuit dans l'église...) 

sur la meseta
le chemin tout au fond
dans l’infini ...
*

  là sous mes pieds
et au loin dans l’infini
  le même chemin

sur le chemin
une couleuvre écrasée
les gens l’évitent

premières gouttes :  
leur cadence s’accélère 
avec mes pas       

 seul dans le brouillard
un bruit de pas à l’arrière
   ralentit le mien  

Jour sans soleil
sous la brume
juste une lune

  la pluie aquarelle
 le ciel et la colline
     

sous la pluie          
avançant sans bouger   
     la longue cape       

pluie de septembre

entre la route et l’usine

je vais content

      pluie depuis l’aube

pluie pluie pluie je n’en puis plus

        je suis un puit  

   *  
juste après la pluie 
la brûlure mouillé
du soleil
 

         le silence             
  des pins noirs après la pluie  
      odeur et couleur diluées     

après l’orage
mon ombre rassurée
réapparaît

     l’orage tombé
hommes et arbres abattus
     desolation road

après l’orage           
mon ombre dans les flaques
reprend des couleurs       

arc de triomphe
tout au bout du chemin
multicolore

*
en plein midi
translucide au soleil
la pleine lune


 route brûlante         
à chaque ombre de platane
les cigales    
      

    recueillement      
à l’ombre chaude des pins
  - parfum d’encens    

entrant dans le bois
 tout se tait 
sauf le ruisseau



j’entends suinter
la source discrète
je suis ma soif

   lumière jaune
les ombres s’animent
     soir d’été

rentrant les vaches   
rêvant de partir ailleurs    
la jeune fermière   


dans la montée 
abandonnant leurs vaches
les mouches du coche


     pour ce long chemin
 avoir les pieds et les jambes...
      surtout l'envie

cette nuit           
ni couverture ni coussin 
la terre et le ciel       
 

marchant sans peine
dans les cerisiers en fleurs... 
 si peu de peine

*

     cerisiers en fleurs  
 marcher en pareille beauté
     heureux qui le sait
    

fumées dans la rue -
espagnoles en éventails
devant les braseros

    odeur pimentée:     
sur les grills les poivrons 
  couleur des braises   

voix dans le vallon
tout seul sur le chemin
pas vu les voix

     virage devant
  tant de chose à voir
        derrière


peut-être
un jour sur le chemin
quelqu’un

*

 

  statue inerte:   

il en a vraiment trop vu  

le saint Jacques   

 

chemin fleuri

un tracteur charrie du purin 

le dimanche



sur sa chaise

nous regardant passer

pèlerin immobile

 marchant plein de vie
     sur un tapis 
  de feuilles mortes

 

trois cent hectares -
aire de la voie lactée
terrestre
(1500 km X 0,002!)



Arriver trop tôt  
C’est la dernière crainte
du vieux pèlerin


granit de Galice
le même qu’au Puy
chemin monolithique 

gesticulations

deux pèlerins bavardent

sans paroles

 

deux longs mois     

les jambes aussi lisses

ou pantalons longs   

 

        à Lavacolla 
 je comprends que c’est fini
       première douleur
(Lavacolla (lave-couille!) 
est l'avant-dernière étape)

dernier matin

les deux jeunes pèlerines 

se maquillent enfin

 Nostalgie du but   
Tristesse du pèlerin 
qui atteint la rive   

les clochers !
Oh ! Santiago ! Santiago !
Santiago…
*

  Après tout ça
     le pèlerin arrive:
       si long si court si...

 dans la cathédrale  
l’ange Daniel me sourit
et moi donc  

soleils pluies vents froids 
rires pleurs joies paroles 
  mots du parchemin*  

(la *Compostella, remise aux pèlerins)

marches éclatantes -
des millions de pas avant moi 

sur l'escalier

       des pèlerins rient
 d'autres prient d’autres pleurent...
        c’est les mêmes

en fauteuil roulant    
sans argent pour le retour 
la vie continue      
 
(Bretagne-Compostelle, dans un 
fauteuil, jeune-fille avec son chien)  

    le corps ne sait plus
 mais l’esprit sait maintenant
     qu’il désire encore

avant le retour      

retourner sur la place  

ressentir encore      

 

sur la place

des touristes endimanchés

encoquillés

c’est meilleur de pleurer  
quand on ne sait pas encore
pourquoi            

Il n’y a que les chemins pour calmer la vie...
ou l'agiter.


Le vieux pèlerin
a déjà repris la route
- retour compris
 

  même assoupi   
le bruit de mes pas
    continue       

     cap extrême
     derniers pas
  permettant le retour

 

ultime geste          
toucher et baiser la colonne 
sacré St Jacques      

     

         il attend
  le plus ancien le plus inchangé 
         l'océan

Finisterre
tout passe si vite
retour sur terre
 

escalier roulant
à l’hyper de saint Jacques...
envie de pleurer

*