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- Volume 4 -

Perrault, Fénelon, Mailly,
Préchac, Choisy et anonymes

Contes merveilleux

 

Corpus : Les premiers conteurs

Perrault, Griselidis, nouvelle. Avec le conte de Peau d’Âne, et celui des Souhaits ridicules (1694), Histoires ou Contes du temps passé (1697) (volume 1 du Cabinet des Fées de 1785)

Chevalier de Mailly, Les Illustres Fées (1698), Recueil de contes galants (1699) (volume 5 du Cabinet des Fées de 1785)

Préchac, Contes moins contes que les autres (1698) (volume 5 du Cabinet des Fées de 1785)

Anonyme, Le Gage touché (1698)

Anonymes, " Le Portrait qui parle " (1699) et " Le Prince Michel " (1701)

Abbé de Choisy, " Histoire de la princesse Aimonette "

Fénelon, contes (sans date) (volume 18 du Cabinet des Fées de 1785)

éditeur : Tony Gheeraert, Maître de Conférences à l’université de Rouen

 

Anonyme, Les Contes du Centaure et de la Fée

éditeur: Raymonde Robert, Professeur émérite de l'université de Nancy

La réputation illustre de Perrault ne doit pas fausser notre perception de ce phénomène que M. E. Storer appela la mode du conte de fées dans les dernières années du siècle de Louis XIV : les conteurs, à cette date, sont beaucoup moins prolixes que les conteuses. Un volume de taille moyenne permet ici de regrouper l'ensemble de leur production, contre trois volumes consacrés aux contes féminins. Les raisons techniques n’expliquent pas seules ce découpage éditorial qui se justifie aussi par des considérations d'ordre littéraire : tout se passe comme si les hommes éprouvaient des difficultés à respecter les principes d’un genre dans lequel se coulent si aisément les plumes féminines. La longueur constitue la première spécificité masculine : excepté Préchac et le conteur anonyme du " Prince Michel ", les hommes considèrent le conte comme une forme brève qui atteint en quelques pages la perfection, alors que les femmes donnent volontiers à leurs écrits la dimension d’une nouvelle ou d’un petit roman.

La seconde constante caractéristique de cette écriture masculine est l’instabilité générique. Entre les mains des hommes, le conte se délite et dérive vers d'autres formes : Fénelon, avide de récupérer la mode des contes dans la cadre de son enseignement, les dénature en les transformant en fables morales déceptives ; Préchac hâte la rapide agonie des fées en les détournant en vue d'une célébration du pouvoir monarchique qui les relègue au mieux au rang de faire-valoir de la famille royale, au pire à celui de rivales indignes qu’il convient d’avilir pour mieux s'en débarrasser. Mailly, sous couvert de donner dans une galanterie en l’honneur des dames, sexualise ses textes dont il fait des objets de séduction. Perrault ne constitue en rien un cas particulier : seule l’illusion rétrospective peut nous laisser croire qu’il fixe les lois et les principes d’un genre alors que ses récits merveilleux se définissent eux aussi, avant tout, par l’écart qui les distingue de la poétique féminine : la défense du point de vue moderne, l’émulation avec La Fontaine ou encore l’intention moraliste que recouvre la représentation d'un microcosme où princes et princesses côtoient meuniers et bûcherons, relèvent aussi d'une forme d'instrumentalisation du conte qui se retrouve ainsi mis au service d'autre chose que du pur plaisir. Décliné au masculin, le conte ne saurait se suffire du delectare et ne trouve sa légitimité qu’en se soumettant à d’autres fins, du badinage mondain au didactisme moralisant en passant par l’éloge épidictique. Seul l’abbé de Choisy paraît jouer le jeu d’une écriture précieuse, ludique et enjouée proche de celle pratiquée par les femmes – encore cette exception n’en est-elle peut-être pas une lorsqu'on se souvient que son identité sexuelle n'était pas fermement fixée. À travers les récits merveilleux de Perrault et de ses contemporains, ce sont ces marges du conte que se propose d'explorer le présent volume de la Bibliothèque des Génies et des Fées.