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Corpus : Mme de Murat, Contes de fées, Les Nouveaux Contes de fées (volume 1 du Cabinet des Fées de 1785), Histoires sublimes et allégoriques, " Conte du Père et de ses quatre fils "
Éditeur : Geneviève Patard, PRAG à l’Université d’Orléans
Mme de Murat est connue comme l’une des conteuses de la fin du dix-septième siècle en France. Ainsi, son nom est rarement évoqué seul, mais figure le plus souvent à côté de ceux de Mme d’Aulnoy, Mlle Lhéritier, Mlle Bernard ou encore Mlle de la Force, pour ne citer que quelques-unes de ces conteuses. Très consciente d’appartenir à une élite mondaine, elle ne cesse de cultiver ses relations littéraires et admire notamment Mme d’Aulnoy, complicité qui devient parfois rivalité dans le choix des personnages ou des sujets, ce qui peut donner lieu à des contes " en doublet ".
Mais c’est par sa vie très mouvementée que Mme de Murat se fait le plus remarquer en cette fin de siècle. Ses " désordres " et ses " égarements ", jugés inadmissibles pour une jeune femme issue d’une famille de haute noblesse, lui valent plusieurs avertissements de la police, avant la condamnation à l’exil, qui l’éloignera définitivement des plaisirs de la Cour. Progressivement, la postérité lui forgera un visage angélique, peut-être pour faire oublier le passé.
Mais au-delà de ces clichés, la personnalité de Mme de Murat se dévoile dans son œuvre, celle d’une femme libre, refusant la violence masculine, luttant pour la reconnaissance de son sexe, et qu’on ne peut comprendre sans connaître la condition féminine sous le règne de Louis XIV.
Ce sont les contes qui constituent le plus connu de l’œuvre de Mme de Murat, qu’ils s’intitulent Contes de fées et Nouveaux contes de fées, ou qu’ils se dissimulent derrière des titres moins explicites comme Histoires sublimes et allégoriques, ou encore Voyage de campagne. Partiellement repris dans le Cabinet des Fées de 1785, ils n’ont été que rarement réédités. Certains sont même inédits.
Même s’ils se servent de quelques sujets ou motifs folkloriques, ces contes littéraires leur font subir diverses transformations, afin de les adapter au public des salons. Mme de Murat s’adresse désormais " aux fées modernes ", et non plus aux " anciennes fées " qui jouaient les servantes ou les nourrices. On peut alors déceler des liens très étroits entre cette production féerique et l’actualité, dans des domaines aussi variés que les arts, la politique, ou les sciences. Le merveilleux est aussi à la recherche de variété, n’hésitant pas à exploiter les veines pastorale et précieuse des grands romans de l’époque, tout en se désignant parfois lui-même, non sans humour. Finalement, le genre du conte se retrouve quelque peu manipulé, orienté dans des perspective thématiques récurrentes : l’amour, le mariage et la fidélité. Le conte est alors façonné par la vision souvent pessimiste de l’auteur, qui s’impose jusque dans les moralités.
En éditant les contes de Mme de Murat – inédits compris –, on fait donc entendre la voix de cette femme du " Grand Siècle ", pourtant singulièrement moderne. Une redécouverte qui ne laissera pas de surprendre le lecteur prêt à s’embarquer pour un monde merveilleux, mais où les fées ne font pas toujours la loi…