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- Volume 11 -

Conteurs rococo (1715-1753)

 

Corpus

François-Augustin Paradis de Moncrif (1687-1770) : le conte oriental Les Aventures de Zéloïde et d’Amanzarifdine, contes indiens de 1715, Les Ames rivales de 1738 et divers contes : Les Dons des fées, ou le pouvoir de l’éducation, L’Isle de la liberté, Les Aieux, ou le mérite personnel, Alidor et Thersandre, Les Voyageuse (corpus reproduit dans Le Cabinet des Fées, tome 25)

Édition critique établie par Christophe Martin.

Thémiseul de Saint-Hyacinthe (1684-1746), Histoire du Prince Titi (Paris, Vve Pissot et Bruxelles, F. Coppens, 1736) : l’auteur, français (de Troyes), installé en Hollande puis en Angleterre, polygraphe surtout connu pour son étonnant ouvrage Le Chef d’œuvre d’un inconnu (1714) où sous couvert d’une édition critique, il se livrait à la satire des pédants (sous le pseudonyme de Mathanasius), a composé, dans le genre très plastique et expérimental de la féerie et particulièrement de la féerie de l’époque dite rococo, qui affiche les codes et joue de leur surenchère et parfois de leur détournement, un immense conte-roman (de quelques 550 pages) qui peut paraître d’abord comme une satire contre le roi d’Angleterre Georges II et un pamphlet en l’honneur de son fils, le prince de Galles Frederick à qui Saint-Hyacinthe a, cette même année 1736, dédicacé un Recueil de divers écrits (conte reproduit dans Le Cabinet des Fées, tomes 27 et 28).

L’Histoire du Prince Titi raconte, de fait, la conquête du trône par le prince aîné et héritier Titi, contre le mauvais gouvernement et les intrigues de sa famille : il s’agit d’opposer à un mauvais art de régner, un, voire plusieurs modèles de gouvernement : un modèle héroïque, aux valeurs anciennes, celui du roi Fortesserre, un modèle utopique, aux lois très libérales sur le mariage (consentement mutuel, contrat à durée déterminée), celui du roi de Félicie, et un modèle " moderne ", souvent présenté comme l’une des premières formulations du despotisme éclairé, celui, à la fois ferme et sage, du Prince Titi. Mais, le conte n’est pas tant un bréviaire du meilleur gouvernement possible qu’une intrication de questionnements concernant l’amour, la politique, la justice et l’argent. La question du pouvoir et de son exercice vertueux s’articule sans cesse au fondement et au mécanisme même de ce récit : une histoire d’avares (le couple royal parental), des ressources magiques qui permettent au héros d’obtenir le trône et de s’y maintenir. Le conte, obsédé par l’argent (et surtout le manque), interroge en profondeur les conditions mêmes de possibilité de l’exercice de ce pouvoir vertueux : hors la machine féerique, comment fonder un pouvoir juste pour un peuple prospère ?

Édition critique établie par Aurélia Gaillard.

Pierre François Godard de Beauchamps (1689-1761) : le conte Funestine, 1737.

Édition critique établie par Aurélia Gaillard.

Henri Pajon (mort en 1776) : Histoire du roi Splendide (1747) et trois contes : Eritzine et Parelin, L’Enchanteur ou la Bague de puissance, Histoire des trois fils d’Hali Bassa de la mer et des filles de Siroco gouverneur d’Alexandrie (1753) (contes reproduits dans Le Cabinet des Fées, tome 34)

Édition critique établie par Christophe Martin.

Charles-Antoine Coypel (1694-1752) : peintre, fils et petit-fils d’Académiciens, nommé en 1747 " premier peintre du roi " et favori de la reine Marie Leszczynska, connu en littérature pour ses pièces de théâtre, a aussi écrit un conte (publié de façon posthume en 1772), Aglaé ou Nabotine (conte reproduit dans Le Cabinet des Fées, tome 35).

Édition critique établie par Aurélia Gaillard.

Nouveaux contes de fées (Paris, P.-J. Mariette, 1731), recueil de 9 contes anonymes comprenant : deux contes qui sont des reprises, Alphinge ou Le Singe vert, reprise de Babiole de Mme d’Aulnoy ; Kadour, reprise de Riquet à la houppe (la version de Mlle Bernard) ; trois contes issus du folklore, Incarnat, blanc et noir ; Le Prince arc-en-ciel ; La Petite grenouille verte ; et quatre contes de pure invention, Le navire volant, Le Prince Perinet ou l’Origine des pagodes, Le buisson d’épines fleuries, Le médecin de satin (recueil reproduit dans Le Cabinet des Fées, tome 31).

Édition critique établie par Aurélia Gaillard.

 

Éditeurs 

Aurélia Gaillard (directrice de volume), professeur à l’université de Bordeaux 3

Christophe Martin, maître de conférences à l’université de Rouen

 

Le volume comprend un ensemble de 23 contes publiés à partir de 1715 et surtout dans les années 1730-1750 : sans exagérer la cohérence entre des conteurs et des contes (puisque certains restent anonymes) d’horizons divers, cet ensemble où dominent Moncrif et (par sa longueur déjà) le conte de Saint-Hyacinthe, Histoire du Prince Titi, présente des caractéristiques communes qu’on peut assez aisément rattachées à l’esthétique rococo de la première moitié du siècle dont on sait qu’elle s’est exprimée aussi bien en littérature que dans les Beaux-Arts (l’un des conteurs est d’ailleurs le célèbre peintre Charles-Antoine Coypel, connu pour son " grand style " mais dont la touche et l’usage de la couleur sont bien dans le goût rococo) : d’abord une conscience critique, conscience aiguë d’être un conte qui s’écrit après et d’après des contes – conscience qui ne va pas néanmoins jusqu’au franc pastiche ni à la parodie –, usage expérimental de la forme très plastique du conte (abandon du schéma de la quête, décentrement, bifurcations) et questionnement parfois politique (Saint-Hyacinthe, Moncrif), manipulation du merveilleux, ingéniosité dans la recherche des objets et attributs magiques, parfois incongruité et burlesque, surtout, la plupart de ces contes explorent les frontières du merveilleux pour mieux signaler l’indicible, interrogent notre monde à partir de catégories ou de phénomènes qui le rendent étrangement autre et proche en même temps : l’apparition d’un prince arc-en ciel (Le Prince Arc-en-ciel), l’attachement amoureux pour un animal (Aglaé ou Nabotine de Coypel) etc.