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- Volume 10 -

Cazotte, Suite des mille et une nuits

 

Jacques Cazotte, Suite des Mille et une nuits, volumes 38-39 (1788) et 40-41 (1789) du Cabinet des Fées

Éditeur : Philippe Koeppel, professeur à l’Université d’Orléans, avec la collaboration de Mme Hédia Khadhar, professeur aux Universités de Tunis et de Paris III.

 

Même pour le public cultivé, Jacques Cazotte apparaît souvent comme l’auteur d’un seul livre : Le Diable amoureux (1772). Il n’a cependant pas attendu cette date pour s’adonner, dans le goût de son temps, aux joies de l’écriture. Stagiaire dans l’administration de la Marine en 1740, il réside à Paris et fréquente les milieux littéraires à la mode. C’est l’occasion pour lui de publier deux contes : La Patte du chat, en 1741, et Les Mille et une fadaises en 1742. Le ton des œuvres est léger, galant et satirique, sans arrière-fond didactique ou moralisateur : le jeune Cazotte veut plaire. Mais il sait aussi être polémiste. Entre deux voyages aux Antilles comme contrôleur des îles du Levant, il participe à la querelle des Bouffons en attaquant sans nuances Rousseau en 1753, dans ses Observations sur la lettre de Jean-Jacques Rousseau.

Malade et de retour en France, dans son asile champêtre de Pierry, près d’Épernay, il va pouvoir pleinement se consacrer à la littérature. Il donne en 1763 Ollivier, un long poème à la manière des troubadours et son Lord impromptu, 1771, une nouvelle romanesque et sentimentale.

C’est à l’année 1772 que Cazotte doit sa renommée littéraire. Il publie son Diable amoureux qui fait de lui le précurseur du fantastique français et qui pose à ses biographes et à la critique des questions que l’on retrouvera avec sa Suite des Mille et une nuits. Ce roman où s’affrontent les forces du bien et du mal est-il un roman ésotérique d’inspiration martiniste ? Ce type de questions se posera plus tard en ce qui concerne la Suite des Mille et une nuits, traduite, adaptée, à la fin de la vie de l’écrivain.

Après avoir lu les quatre volumes de la Suite, dernière œuvre de Cazotte, le lecteur peut penser qu’il a lu d’aimables contes orientaux. Galland n’avait traduit qu’une partie du texte arabe. À la fin de l’année 1786, un prêtre arabe, Dom Denis Chavis, de la congrégation de Saint Bazile, est reçu à Paris avec une collection de manuscrits constituant la suite des Mille et une nuits. Nous n’avons plus aujourd’hui la traduction de Chavis, mais nous possédons les manuscrits arabes, ce qui permet de se rendre compte que la source de certains contes parus dans le Cabinet des Fées est inconnue, ainsi il n’est donc pas impossible que Cazotte en ait été l’unique auteur, mettant par là-même sa propre vision du monde. De la sorte, au-delà du plaisir du conte, ce qui peut intéresser l’historien de la littérature, ce sont les intentions de Cazotte qui apparaissent dans ce travail d’adaptation, voire d’invention.

Au moins deux voies de recherche s’imposent donc d’emblée : une tendance moralisatrice et didactique – les leçons de morale ne manquent pas dans l’œuvre – et un message spiritualiste que véhiculeraient certains contes sous l’influence du martinisme. Cazotte cherche, en effet, à montrer que l’homme est le siège, dans tous les instants de sa vie, d’une lutte entre les forces du bien et du mal. Il semble que dans cette réécriture, il tente de répondre à des questions fondamentales, par exemple, sur la liberté de l’homme, sur la possibilité qu’il a de choisir, donc de sa responsabilité aussi bien en cas de damnation que de salut.

Lus de cette façon, certains contes de la Suite peuvent être compris comme une méditation intérieure de l’auteur du Diable amoureux.