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- Volume 1 -

Mme d'Aulnoy, Contes

 

Mme d’Aulnoy, Contes (volumes 2-4 du Cabinet des Fées de 1785).

Éditeur : Nadine Jasmin, Maître de Conférences à l’Université Marc Bloch – Strasbourg II

" Ce ramas de contes de Fées, qui nous assassinent depuis un an ou deux " : c’est en des termes peu flatteurs que l’abbé de Villiers déplore la soudaine irruption, dans le champ littéraire de la fin du XVIIe siècle, d’un genre nouveau promis au plus bel avenir : le conte de fées littéraire français. Intimement associé, dans la mémoire collective, au nom de Perrault, le genre n’est pourtant pas lancé ni pratiqué par le seul académicien : il trouve en Mme d’Aulnoy, forte de ses huit tomes et vingt-cinq contes de fées publiés de 1690 à 1698, son initiatrice et sa plus illustre représentante. Petit retour en arrière…

1690 : Mme d’Aulnoy publie, dans un roman " sensible " qui lui vaudra un franc succès, le premier conte de fées littéraire français : encadré dans l’Histoire d’Hypolite, comte de Duglas, le conte folklorique de " L’Île de la Félicité " (variation sur le motif du " Pays où l’on ne meurt pas ") marque, certes encore discrètement, la naissance officielle du genre. Le conte de fées " à la française " était lancé…

1697-1698 : femme de lettres à succès, depuis son Hypolite, Mme d’Aulnoy s’est en outre rendue célèbre par ses Mémoires de la Cour d’Espagne (1690), suivis, en 1691, de sa Relation du Voyage d’Espagne (deux titres dont Victor Hugo se souviendra pour Ruy Blas). Désormais reconnue par le public féminin qui la plébiscite, elle peut librement s’adonner à la toute dernière mode littéraire : le conte de fées, genre nouveau, moderne et mondain alors en pleine expansion : pas moins de vingt-cinq contes, en huit volumes, trois récits-cadres et quelque mille pages, offerts à l’enthousiasme de ses admiratrices… et rivales amicales, Mme de Murat ou Mlle Lhéritier, nièce de Perrault et conteuse à ses heures !

Il ne va pas de soi cependant qu’une mondaine accomplie, romancière estimée, aristocrate de surcroît, s’empare de l’humble conte populaire oral pour le faire entrer dans l’espace choisi du salon. Des modestes chaumières aux brillants cercles parisiens, des livrets de colportage sur mauvais papier bleu aux ouvrages à la mode édités par Barbin, s’opère la métamorphose du conte populaire en conte littéraire, sentimental et galant. Ancré dans son milieu nourricier, le salon, modelé par les usages et valeurs de l’esthétique dite " galante ", largement pétri de culture féminine, le genre témoignerait de la rencontre, admirée ou décriée, entre une forme littéraire en voie de constitution et légitimation ; une pratique et des figures ambivalentes de la femme auteur au tournant de la " seconde préciosité " ; un goût prononcé pour le merveilleux, enfin, qui permet de resituer le conte dans le vaste courant, aujourd’hui sous-évalué, de la " fantaisie classique " baignant un siècle épris de " merveilles ".

Éditer les contes de Mme d’Aulnoy, c’est donc rendre à une talentueuse conteuse, encore méconnue, la place qui lui revient dans la naissance du conte féminin " à la française " ; c’est mesurer son rôle dans le succès durable du genre – un Cazotte, une Mlle de Lubert en témoigneront au XVIIIe siècle  ; c’est se laisser porter, enfin, par la saveur originale de ces contes d’amour, de luxe et de galanterie, qui mêlent avec bonheur la " naïveté " rêvée du conte populaire, " l’enjouement " de la " bagatelle " et le " je ne sais quoi " romanesque et sentimental du " Grand Siècle ".