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Poèmes empruntés

 

Parfois je me fais presque honte

De croire autant ce que je ne crois pas.

C'est une variété de rêve

Avec le réel au milieu.

 

 

Je ne pense en ce moment à rien
Et cette chose centrale, qui n'est rien du tout,
M'est aussi agréable que l'air de la nuit,
Frais par contraste avec l'été chaud du jour.
Je ne pense en ce moment à rien, que c'est bon!

 



Je ne suis rien
Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.

   Il y a du sublime à gaspiller une vie qui pourrait être utile, à ne jamais réaliser une oeuvre qui serait forcément belle, à abandonner à mi-chemin la route assurée du succès! ... Pourquoi l'art est-il beau , parce qu'il est inutile. Pourquoi la vie est-elle si laide ? Parce qu'elle est un tissu de buts, de desseins et d'intentions? Tous ses chemins sont tracés pour aller d'un point à un autre. Je donnerais beaucoup pour un chemin conduisant d'un lieu d'où personne ne vient, vers un lieu où personne ne va... La beauté des ruines ? Celle de ne plus servir à rien.

 

Ce qu'il faut c'est être naturel et calme

Dans le bonheur comme dans le malheur...

Penser comme l'on marche,

Et lorsqu'on va mourir, se rappeler que le jour meurt,

Et que le couchant est beau et belle la nuit qui se fait...

Et que si ainsi sont les choses, c'est que les choses sont ainsi.

 

 

 Nous nous aimons tous les uns les autres, et le mensonge est le baiser que nous échangeons.

L'art nous délivre de façon illusoire, de cette chose sordide qu'est le fait d'exister... En art, il n'y a pas de désillusion, 
car l'illusion s'est vue admise dés le début. Le plaisir que l'art nous offre ne nous appartient pas, à proprement parler : 
nous n'avons donc à le payer ni par des souffrances, ni par des remords... 
Par le mot art, il faut entendre tout ce qui est cause de plaisir sans pour autant nous appartenir : la trace d'un passage, 
le sourire offert à quelqu'un d'autre, le soleil couchant, le poème, l'univers objectif. Posséder c'est perdre. Sentir sans posséder, 
c'est conserver, parce que c'est extraire de chaque chose son essence.

 

Je ne sais quel est le chemin...

... Parce que chemin et route

Sont de terre, et l'important c'est d'avancer;

Il est de peu de poids que la route aille à rien...

Seul vaut celui qui marche : il est celui qui vit

Ainsi, adulte de ce que j'ai voulu faire,

Je vais en cheminant vers tout ce que j'ai eu

Et sais bien que je ne pourrais pas le ravoir.

 

 

...D'où peut venir cette saudade

Qui ne quitte jamais le cœur

Et qui envahit ma pensée

Sans que j'en sache la raison?

 

N'est-ce donc que la rue déserte

Et la campagne sans fin

Qui m'ont donné la paix confuse

Qui pleure au fond de moi?

 

Bouche où vient s'ouvrir un sourire

Comme une fleur s'épanouit,

Tes yeux y versent, plein de rires,

Cette rosée d'avoir trop ri.

 

Je te vis dire ton adieu

A quelqu'un qui loin s'en allait :

J'en implorais presque les cieux

D'être un jour celui qui partait.

 

Aime la vérité en toi. N'en use pas.

D'aucuns, par foi ou par habitude, dressent des croix

Sur le bord des chemins, d'autres passent, sans plus.

Je dors, sous les étoiles, ces clartés étrangères.

 

 

 Sans chagrin peut mourir qui est né sans espoir.

 

*

 

Comprendre, c'est oublier d'aimer.

 

             pessoa.jpg (42892 octets)Pessoa à 15 ans (l'âge de Rimbaud!)

 

Il est des frondaisons hautes dont l'ombre verse

Une  paix de fraîcheur sur nous,

Et il est un bruit d'eau qui tombant des gouttières

Nous rend plus somnolents, plus solitaires

 

Cela, oui je le veux... Au monde tous le reste,

Sa rédemption, son amour ou sa Gloire.

 

 

Il  manque toujours une chose, un verre, une brise, une phrase,

Et plus on jouit de la vie et plus on l’invente, plus elle fait mal.

 

 

Lorsque viendra le printemps,

si je suis déjà mort,

les fleurs fleuriront de la même manière

et les arbres ne seront pas moins verts qu'au printemps passé.

...Si je savais que demain je dois mourir

et que le printemps est pour après-demain,

je serais content de ce qu'il soit pour après-demain.

...On peut, si l'on veut, prier en latin sur mon cercueil;

On peut, si l'on veut, danser et chanter tout autour.

Je n'ai pas de préférences pour un temps où je ne pourrais plus avoir de préférences.

Ce qui sera, ... sera...

 

 

O poeta é un fingidor.

Finge tão completamente

Que chega a fingir que é dor

A dor que deveras sente.

 

Feindre est le propre du poète.

Il feint si complètement

Qu’il en arrive à feindre qu’est douleur

La douleur qu’il ressent vraiment.

 

Vous êtes belle : on vous adore.

Vous êtes jeune : on vous sourit.

Si un amour pourrait éclore

Dans ce cœur où rien ne luit,

 

Ce sourire de ma tristesse

Se tournerait, reflet lointain,

Vers l'or cendré de votre tresse,

Vers le blanc mat de votre main.

(écrit en français)

 

Les jeunes filles par bandes

Vont sur la route en chantant

Chantant d'anciennes chansons

De celles dont la mémoire

Fait qu'on se met à pleurer.

 

...Ce chant qui passe, en effet,

Sans le faire exprès, figure

L'immense malheur humain

Qui est aimer ou ne pas aimer,

Toujours le même ,sans fin...

 

...Seul celui qui a bu de la vie tout le vin,

D'un coup ou non, mais jusqu'à la fin,

Sait bien (mais sans remède) où est le bon chemin.

 

 ...Je préfère être seul que même en bonne compagnie 
(extrait d'une de ses toutes dernières lettres)

 

Hommage à Pessoa

 

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Ô saisons, ô châteaux !

Quelle âme est sans défauts ,

J'ai fait la magique étude

Du bonheur, qu'aucun n'élude.

 

 

Elle est retrouvée.

Quoi? - L'éternité.

C'est la mer allée

Avec le soleil.

 

Mais vrai, j'ai trop pleuré; Les aubes sont navrantes.

Toute lune est atroce et tout soleil amer :

L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.

Ô que ma quille éclate! Ô que j'aille à la mer!

 

Fileur éternel des immobilités bleues. Hélas ! ma poésie a replié ses ailes.

 

Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,

Millions d'oiseaux d'or, ô future Vigueur?

 

 

A quatre heures du matin, l'été,

Le sommeil d'amour dure encore.

Sous les bosquets l'aube s'évapore

L'odeur du soir fêté.

 

 

Oisive jeunesse 

A tout asservie

Par délicatesse

J'ai perdu ma vie.

Ah! Que le temps vienne

Où les coeurs s'éprennent!

 

 

 

De tes noirs poèmes,- Jongleurs!

Blancs, verts, et rouges dioptriques,

Que s'évadent d'étranges fleurs

Et des papillon électriques!

 

Voilà! c'est le Siècle d'enfer!

Et les poteaux télégraphiques

Vont orner,-lyre au chant de fer, 

Tes omoplates magnifiques!

 

 

Des nuits du blond et de la brune

Rien dans la chambre n'est resté,

Pas une dentelle d'été,

Pas une cravate commune.

 

Et sur le balcon où le thé

Se prend aux heures de la lune,

Ils n'ont laissé de trace aucune

Aucun souvenir n'est resté.

 

 


L'eau claire; comme le sel des larmes de l'enfance,

l'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes;

la soie, en foule et de lys pur, des oriflammes

sous les murs dont quelques pucelles eut la défense;

[...]

Ah! la poudre des saules qu'une aile secoue!

Les roses des roseaux dès longtemps dévorées!

Mon canot, toujours fixe; et sa chaîne tirée

au fond de cet oeil d'eau sans bords,- à quelle boue?

 

voir le manuscrit

rimbaud.jpg (17721 octets)

 

Plus de lendemain,
Braises de satin,
Votre ardeur
Est le devoir


*


Mon âme éternelle
Observe ton vœu
Malgré la nuit seule
Et le jour en feu


*


Les sentiers sont âpres. Les monticules 
se couvrent de genêts. L'air est immobile. 
Que les oiseaux et les sources sont loin! 
Ce ne peut être que la fin du monde en avançant.

 

Dans sa retraite de coton

Dort le zéphyr à douce haleine :

Dans son nid de soie et de laine

Dort le zéphyr au gai menton!

 

 

L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,

L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins,

La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles

Et l'homme saigné noir à ton flanc souverain.

 

Obscur et froncé comme un oeillet violet... Je veux travailler libre : mais à Paris, que j'aime. Tenez : je ne suis qu'un piéton, rien de plus...
On vit et décède tout autrement qu'on ne le voudrait jamais.

 

Mais, ô Femme, monceau d'entrailles, pitié douce,

Tu n'est jamais la soeur de charité, jamais,

Ni regard noir, ni ventre où dort une ombre rousse

Ni doigts légers, ni seins splendidement formés.

 

 

Elle était fort déshabillée

Et de grands arbres indiscrets

Aux vitres jetaient leur feuillée

Malinement, tout prés, tout prés.

 

 

Au gibet noir, manchot aimable,

Dansent, dansent les paladins

Les maigres paladins du diable,

Les squelettes de Saladin.

 

Qu'il vienne qu'il vienne ,

Le temps dont on s'éprenne.

 

Cela s'est passé. Je sais aujourd'hui saluer la beauté.

 

Je lui faisais, dans sa dernière maladie, la lecture. Quand arrivait un vers, un seul, il me suppliait de passer. Il avait horreur de la poésie."    Isabelle Rimbaud (soeur de)

 

Un bel hommage à Arthur !?

 

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