L'oiseau rare de la chanson
CAROLINE VERDI
Comme on le sait, la piraterie industrialisée des cassettes pose d'énormes problèmes financiers et autres aux grande ( et aux petites !) compagnies
d'enregistrement. C'est l'une des raisons pour lesquelles elles investissent moins sur des noms nouveaux et qu'elles ont plutôt
tendance à jouer la carte de la vedette confirmée. Des nouveaux venus, il y en a, pourtant. Et des jeunes, comme Anne Lorric,
Jean-Francois Doll, Yves Deroubaix, Amélie Morin... et Caroline Verdi.
Ils n'en ont que plus de mérite car les barrages sont plus sévères.
Les firmes ne veulent plus miser qu'à coup sûr... ou presque, la certitude commerciale en matière artistique demeurant fort
heureusement illusoire : c'est toujours le public qui décide, rejette ou choisit. Caroline Verdi fait donc partie de ces jeunes
qui osent se lancer dans cette voie difficile (oh! oui !!! ) qu'est la chanson. Caroline Verdi, c'est un drôle d'oiseau !
Avec un physique de teenager garanti grand teint (petite, blonde, menue, un nez "où c'qu'il pleut dedans", bref: vingt
et un printemps qui en paraissent seize !), elle pratique un art de vivre qui ne doit rien aux gadgets à la mode ou aux ukases
imposés par les champions du terrorisme intellectuel, moral ou circonstanciel. Elle annonce la couleur avec la tranquillité de
ceux qui préfèrent et vénèrent la vérité. Ainsi... Si vous appartenez à la race des militants de la libération tous
azimuths (qu'elle soit de la femme, du fox à poils durs ou de la punaise des bois), vous trouverez bien en face de vous ce poids
coq prônant les mérites de la fidélité et, ce qui est encore plus rare, pratiquant la fidélité ! Ainsi, elle a le même
producteur (Jack Bancarel) depuis ses débuts, Caroline Verdi... Si vous avez fait de l'exhibitionnisme votre règle d'or, elle
vous répondra pudeur et tendresse (ce qui est sensible dans sa manière de dessiner, voyez nos illustrations...). Si, pour faire
croire que vous êtes dans le coup, vous immolez vos premières idoles au bûcher de la nouveauté, elle posera sur sa platine,
d'une manière très relax en se disant "Cause toujours, tu m'intéresses !" les galettes de vinyle des Beatles, Elton
John, Jacques Brel, Johnny Hallyday, Stevie Wonder, Trust, Barbra Streisand... Et la discussion sera close.
Une enfance chaotique
En bon Capricorne, elle n'hésite pas à donner des coups de tête, à foncer... Tous ceux qui
l'ont vue sur scène ont été surpris par son punch et son savoir-faire. Qu'elle chante pour un public debout ou assis ne
transforme en rien sa rage de vaincre et de convaincre. Cette force, plutôt surprenante quand on considère ce drôle d'oiseau
qu'estCaroline Verdi, elle l'a puisée dans une enfance chaotique couleur béton, dans le quotidien d'une romantique au pays de la
violence, dans le mépris de tout ce qui est artifices, hypocrisie, racolage. A l'époque du "Pétrodollar, priez
pour nous !", Caroline Verdi considère l'argent comme un moyen et non comme un maître à penser ou à compenser, dans
notre univers de poésie en forme de bulles. Elle ne fait aucun mystère de son manque de goût pour la bande dessinée, la
course à la fiction et à la science du même nom qui ne la concerne pas: elle aime le réalisme (Zola, Malraux, la peinture
figurative...)... Elle le dit et elle défend ses idées... Et puis elle chante... Son 45 tours paru au début de l'été
comprend deux chansons et, oh ! surprise ! on découvre grâce à elles non seulement un talent frais et généreux mais encore une
chanteuse qui sait articuler et rendre intelligible ce qu'elle prononce. C'est plus rare qu'on ne croit. Ecoutez donc la double
face de Caroline Verdi dans Un biberon de rock'n'roll,et Apprends-moi le bonheur, (Philips 6010331).
Vous voyez bien que Caroline Verdi est un drôle d'oiseau. C'est même un oiseau rare !
article signé Claude Sapin; les photos sont de Claude Delorme et J.Lebreton pour Phonogram